mardi 12 mars 2013 16:00

Fredrika Stahl : "Je me suis plus trouvée personnellement et musicalement"

Près de trois ans après avoir publié son troisième album "Sweep Me Away", la plus francophile des chanteuses suédoises est de retour avec "Off to Dance", un nouvel opus plus pop et plus personnel. Après avoir donné plus de cent concerts, participé au projet Pop'pea et écrit un titre pour la campagne publicitaire Nissan Juke du constructeur nippon, Fredrika Stahl avait besoin de chanter quelque chose de différent mais qui lui ressemble toujours autant. L'artiste se dévoile un peu plus dans son nouvel album "Off to Dance", synonyme de lâcher prise.
Crédits photo : Laurent Samain
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Depuis 2010, vous avez participé à plusieurs projets très différents. Vous avez donné entre 100 et 150 concerts et puis il y a eu le succès de la chanson "Twinkle Twinkle Little Star" pour la bande son d'une campagne du constructeur Nissan. Qu'est ce que ça a changé pour vous, dans votre conception du métier et votre appréhension de la musique ?
Fredrika Stahl : Beaucoup de choses. Entre 2010 et 2012, ça a été très intense. Tourner pendant deux ans avec un album, ça ne m'était jamais arrivé. C'était quelque chose de vraiment intéressant. La musique de la publicité Nissan, je ne sais pas si ça a eu un impact direct, mais en tout cas je suis allée dans des pays où je n'étais jamais allée avant comme l'Angleterre. Et après j'ai enchaîné avec Pop'pea qui était un opéra-pop totalement aux antipodes de ce que moi, artistiquement, j'avais pu faire auparavant. J'ai appris beaucoup de choses. J'étais très fatiguée à la fin de la tournée. Mais en tout cas, ça m'a beaucoup inspirée. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir autant chanté ces chansons-là, ou le fait des différentes rencontres, mais j'ai eu envie d'autre chose après.

Et d'un point de vue plus personnel. Le fait d’acquérir une certaine notoriété, et d'être appelée sur des projets comme Pop'pea, aux côtés de Benjamin Biolay...?
Quand on tourne pendant autant de temps, beaucoup de choses en vous et autour de vous évoluent. Partir de chez soi pendant deux ans, c'est aussi quelque chose d'assez spécial. Au niveau personnel, c'est assez dur. Parce qu'on n'a plus de vie personnelle, tout simplement ! On passe son temps seule sur les routes ou avec une équipe. Physiquement, c'est assez intense parce qu'on bouge sans cesse. On ne dort jamais au même endroit. On mange aussi des choses très différentes, souvent très bonnes (sourire)... Parce que chaque région veut nous montrer le meilleur de ce qu'elle sait faire ! On est un peu déconnecté du monde quand même. Il faut bien l’admettre. Il y a plein de choses qu'on n'a plus à faire, comme ouvrir la boîte aux lettres (sourire) ! On a une seule chose en tête qui compte, c'est le concert qu'on va donner le soir. Tout le reste ne compte plus. Avec tout ça, on est obligé de mettre la vie personnelle en pause.

Vous ne regrettez rien pour autant ?
« Ça peut devenir un peu suffoquant d'être centré sur soi »
Avec du recul, je pense aussi que cette publicité pour Nissan est arrivée au bon moment pour moi. Quand on écrit et compose ses propres chansons et qu'après on les chante 150 fois sans compter les répétitions, qu'on enchaîne les interviews pour parler de soi... Tout est quand même très centré sur notre propre personne. Au bout d'un moment, ça peut devenir un peu suffoquant d'être centré sur soi. Et quand j'ai eu l'opportunité d'écrire la musique de cette publicité, j'ai eu l'impression de respirer un grand coup. C'était génial de pouvoir mettre ma musique au service de quelqu'un d'autre.

Tout en restant quand même dans votre univers...
Oui. Il fallait quand même qu'on reste dans mon univers musical. Ils sont venus me trouver parce qu'ils aimaient ma musique. J'aime bien écrire pour d'autres et c'est quand même très différent que d'écrire pour soi. C'était une bulle d'air cette aventure. Quand on m'a proposé Pop'pea, j'étais très contente parce que ça me faisait des vacances (sourire). Je dis vacances, mais je devrais préciser des "vacances de moi-même" (rires)... C'était une bonne chose avant d'attaquer ce qui était à venir. J'avais un peu de recul, parce que j'avais envie de faire autre chose. Enfin... Je ne sais pas si c'est vraiment autre chose, parce que j'aime ce que je fais. J'avais envie de revenir plus à l'essentiel. Je voulais quelque chose qui soit aussi personnel que possible, qui me représente plus moi, quitte à ce que ce soit moins accessible. Je ne me rends pas bien compte, mais peut-être que cet album est moins évident que le précédent. J'avais envie de prendre plus de risques et de travailler avec de nouvelles personnes.

Crédits photo : Laurent Samain
Je vous rassure, cet album n'est pas moins accessible que les précédents. Il est même plus évident pour reprendre vos mots. On change totalement d'univers, de couleur musicale avec "Off to Dance". Comment avez-vous abordé ce nouvel album ? Vous parliez de retour à l'essentiel.
L'inspiration, je pense que c'est quelque chose que j'avais récolté pendant les deux ans de tournée et avec les différents projets sur lesquels j'avais travaillé. Au moment où je me suis posée, j'ai essayé de ne pas me poser de questions, de chercher à savoir si c'était jazz, pop, blues... On s'en moque ! Je ne voulais pas savoir, mais juste à écrire et jouer. Plusieurs fois je me suis dit en écrivant des morceaux : « Ça j'ai déjà fait. Je n'en veux pas. Il faut recommencer ». J'ai beaucoup jeté en écrivant cet album. Je n'avais pas envie de refaire quelque chose que j'avais déjà fait. Je ne me suis pas engagée à suivre une certaine ligne qu'imposaient en quelque sorte mes trois premiers albums. Je suis très contente parce que j'ai l'impression d'avoir fait un album très en phase avec qui je suis aujourd'hui. Je me suis moins pris la tête en m'interrogeant sur le tempo : « Est-ce que c'est assez dynamique ? Est-ce que c'est assez positif...? ». J'ai toujours eu plus de facilités à écrire des chansons mélancoliques. Pas forcément sombres. Parce que la mélancolie pour moi n'est pas sombre. C'est comme ça. Je suis comme ça. J'écris des chansons mélancoliques. Voilà (sourire). J'avais des choses à dire. Je les ai dites.

« Il faut laisser un peu de place à la spontanéité. Il faut prendre des risques »
Qui est donc Fredrika Stahl aujourd'hui ? Êtes-vous inquiète, apaisée, sereine, amoureuse...?
Je ne dis que que je me suis entièrement trouvée, mais je n'écris plus les mêmes choses aujourd'hui qu'il y a quelques années. Avec l'âge, parce que je ne suis pas encore tout à fait au bout, c'est plus un travail de psychologie. Je m’accepte mieux. Quand j'avais 19 ans, il y a des choses que j'écrivais qui étaient très moi, mais parce que c'était très moi je n'en voulais pas. Aujourd'hui, je me suis plus trouvée personnellement et musicalement. Parce que les deux sont liés. Je dirais peut-être la même chose dans cinq ans (sourire) ! En tout cas, c'est la première fois que j'ai réussi à mettre exactement le doigt sur ce que j'avais envie de dire.

Y-a-t-il des musiques ou des artistes qui vous ont influencée, qui ont participé d'une certaine manière à cette altération plus pop de votre musique ?
Je n'écoute pas beaucoup de musique quand j'écris un album. C'est un peu dangereux. J'avais un peu peur de ça parce que pour cet album je voulais écrire et chanter ce qui venait naturellement sans être influencée par autre chose. J'ai quand même été influencée par les musiciens avec qui j'ai fait l'album. C'est un sacré mélange ! Il y a Ben Christophers du groupe Bat For Lashes qui a beaucoup apporté au niveau des sonorités. Il y a le guitariste de Portishead qui a également apporté quelque chose de très particulier sur cet album. Il a un son très sale. C'est quelque chose que j'ai beaucoup aimé. Pas parce que je voulais faire quelque chose de plus sombre, mais plutôt de moins bien calé. C'est ce que je me reproche le plus. Toujours vouloir faire le mieux. Que tout soit bien carré.

A l'inverse, s'enfermer dans une bulle pour écrire un album, ce n'est pas aussi un danger ?
Si. Mais c'est par période. Pop'pea est arrivé au bon moment. Musicalement, ça n'a juste rien à voir avec moi. Je jouais un rôle. Je chantais du Monteverdi. Travailler sur quelque chose qui ne me ressemblait pas, c'était une très bonne expérience artistique. Parce qu'on se force à aller sur des terrains sur lesquels on n'aurait jamais osé aller. Mais aussi, parce qu'à force de jouer une musique qui n'est pas la nôtre, c'est comme si on devenait encore plus sûre de ce qu'on fait soi-même. Je savais ce que je ne voulais pas. Les choses deviennent plus claires. L'écriture, c'est un moment que l'on sent ou pas. On le fait quand on est capable d'être sur soi-même. C'est pour ça que c'est bien le passage en studio. On retrouve d'autres personnes pour travailler.

« C'est très difficile de laisser quelqu'un d'autre toucher à mes chansons »
Le travail en équipe, c'est essentiel pour livrer un bon album ?
Même si j'avais une idée très précise de ce que je voulais avant d'entrer en studio, je comptais aussi sur Rob Ellis pour apporter quelque chose à mes chansons. Le but n'était pas d'arriver en studio en disant : « Je veux ça et pas autre chose ». Je suis arrivée en présentant ce que j'avais fait et ce que j'avais en tête. Et j'ai demandé si on ne pouvait pas aller encore plus loin avec tout ça. Parce qu'il faut laisser un peu de place à la spontanéité. Il faut prendre des risques. Il y a des morceaux qui marchaient très bien, qu'on a essayé d'emmener ailleurs mais qui finalement étaient meilleurs comme je les avais pensés au départ. Mais il s'est aussi produit l'inverse.

Ecoutez "Willow", le nouveau single de Fredrika Stahl :



Qu'est-ce que Rob Ellis a apporté que vous n'auriez pas su faire ?
C'est très difficile de laisser quelqu'un d'autre toucher à mes chansons. Surtout sur un projet personnel comme celui-là ! Ce qui est amusant avec Rob, c'est que c'est lui qui est arrivé à faire ressortir le mieux ma personnalité dans mes chansons. Il y a plein de choses que j'aurais voulu faire, faire autrement ou laisser quelqu'un d'autre jouer des parties de piano... Mais Rob a insisté pour que je joue au piano sur ma maquette. Il m'a dit : « Pourquoi veux-tu que ce soit quelqu'un d'autre qui la joue ? C'est ta chanson ! ». Je lui ai dit qu'un autre musicien jouerait mieux que moi au piano. Il m'a répondu : « On s'en fout de savoir s'il joue mieux que toi ! On ne veut pas entendre un super pianiste. On veut t'entendre toi ! ». J'ai cédé (sourire). Idem pour les voix ! Sur un titre, j'avais enregistré une voix maison. Je lui ai dit que je pouvais faire mieux. Il m'a dit : « On s'en fout ». J'ai insisté. Il m'a dit : « OK, vas-y. On verra bien ». J'ai enregistré et Rob m'a dit : « Aucun intérêt ton truc ! Sur le premier essai, tu es chez toi, tu ne fais attention à rien. C'est spontané et c'est super. Et sur la deuxième version, tu essaies de mieux faire et ce n'est pas aussi bien » (rires). C'est un lâcher prise ! Ce n'est pas évident et ça prend du temps.

C'est aussi une question de confiance.
Oui. Rob Ellis a également choisi les musiciens. Il a bien fait son travail parce qu'on venait tous d'horizons différents et on avait beaucoup de choses à partager. C'est quelqu'un de très sensible. C'est quelqu'un qui est là pour l'émotion avant tout. Je crois qu'il a raison. Au final, ce qui affecte les gens, c'est l'émotion qui se dégage d'une chanson. Pas la manière dont elle a été enregistrée.

Le piano est toujours autant présent sur cet album. Impossible d'imaginer de s'en séparer ?
J'ai écrit "Little Muse" à la guitare, mais c'est vrai que les autres titres ont essentiellement été écrits au piano. Les chansons que j'écris à la guitare sont totalement différentes de celles que j'écris au piano. Avec le piano, je suis tout de suite plus portée par des sentiments de mélancolie.

La question de chanter en français ne s'est pas posée pour cet album ?
J'ai chanté en français sur mon premier album. Sur le deuxième un petit peu aussi. C'est dur d'écrire en français je trouve. Très dur !

« Je me suis habituée à la France »
Pourquoi ?
Je ne sais pas. J'ai toujours eu l'habitude d'écrire en anglais. J'écoute toujours de la musique chantée en anglais. En même temps, quand quelque chose est bien écrit en français, il n'y a rien de plus beau. Mais je n'ai pas le niveau pour (sourire).

Vous avez récemment chanté en français sur l'album de duos "Elles et lui" d'Alain Chamfort. Qu'avez-vous tiré de cette expérience ?
C'est très différent musicalement de ce que je fais moi. Alain Chamfort, c'est quelqu'un de super. C'est drôle parce que je pensais que cette collaboration s'arrêterait là. On s'était rencontré sur le plateau de "Taratata" pour une émission spéciale Gainsbourg. Il m'a invité sur l'album, puis à un concert. J'ai récemment fait un showcase. Je ne pensais pas qu'il viendrait. Il est fidèle. C'est quelqu'un qui aime la musique. Je trouve ça amusant que des personnes de générations différentes, et qui chantent des choses totalement différentes, puissent quand même se retrouver sur un même projet.

Crédits photo : Laurent Samain
Vos terres natales ne vous manquent pas ?
Si. Beaucoup (sourire). Mais je me suis habituée à la France maintenant. J'y passe la plupart de mon temps.

Vous arrivez à puiser dans ces deux cultures qui vous ont bercée ? Vous vous sentez plus Française que Suédoise ?
Je n'ai vraiment pas l'impression d'être ici en touriste. J'ai vécu une partie de mon enfance ici. Il y a des choses que j'aime beaucoup en France et que je n'aime pas en Suède. Et l'inverse (sourire) ! J'adore Paris. C'est une ville magnifique, tellement riche au niveau culturel. Les nuances sont très inspirantes. Il s'y passe toujours quelque chose. Il y a une manière de vivre à Paris qu'on ne retrouve pas en Suède. Les gens sont un peu plus sérieux et stricts là-bas. J'ai malheureusement gardé ce trait de caractère en moi. Peut-être par peur de mal faire derrière. En même temps, c'est ce qui me fait avancer. Je trouve que les parisiens expriment plus facilement leur joie de vivre et à l'inverse sont plus agressifs. Tout est "plus" ici. En Suède, quand je rentre, j'ai l'impression que tout est plus doux. Il y a une forme de gentillesse et de solidarité qu'on ne retrouve pas ici. Je m'y sens plus en confiance. Les choses fonctionnent mieux parce que c'est plus carré. Mais je crois qu'il ne faut pas comparer Paris avec le reste de la France....

Vous suivez ce qui se passe sur la scène musicale suédoise ?
Oui. Je suis très attentive. Musicalement, je pense d'ailleurs que je suis quand même plus Suédoise que Française. La musique est très présente chez nous. On chante tout le temps : à l'école, à table... On a des chansons pour tout. Je ne sais pas d'où ça vient. C'est quelque chose de culturel. Tout le monde chante. On n'est pas complexé. Ici, on est un peu plus réservé (sourire). La Suède a toujours été très connectée avec la musique anglaise et américaine. Il y a beaucoup de choses qui sortent de la Suède pour un si petit pays.
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