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mercredi 10 août 2011 18:00

DJ Abdel en interview

DJ Abdel, un nom que l'on ne présente plus, entré au Panthéon de la musique hip-hop et funk. De lui, on connaît les nombreuses compiles, des "Hip-Hop Soul Party" aux côtés de Cut Killer, son complice de longue date, aux deux volumes "A l'ancienne". Ce que l'on ignore en revanche, c'est qu'en plus d'être un producteur et compositeur de talent, le DJ est avant tout un homme au cœur gros comme ça, qui gère ses collaborations comme on gère les amitiés : au feeling, au coup de foudre, à l'instinct. A l'occasion de la sortie de son double album "Evolution 2011/A l'ancienne volume 3", nous sommes allés à la rencontre de ce DJ pas comme les autres.


Tu as baptisé ton double album à paraître en août "Évolution 2011/A l'ancienne volume 3". Pourquoi ce choix, en quoi penses-tu avoir évolué depuis ta dernière compile (Bridget UGWE) ?
DJ Abdel : C'est plutôt global en fait. Le CD "A l'ancienne" c'est le mix du DJ que tout le monde connaît, qui fait des soirées depuis tant d'années tous les week-end un peu partout dans le monde. Un mix funk, des titres déjà existants que je mixe un peu à ma manière parce que c'est un peu devenu ma marque de fabrique, c'est la musique que j'aime ! "Évolution", c'est le Abdel que l'on ne connaît un petit peu, mais pas assez : le DJ producteur, co-auteur et compositeur. Sur ce disque il n' y a que des morceaux originaux, avec des invités. C'est vraiment mon album.

D'où le terme “évolution”, au-delà de ce que l'on connaît déjà de toi, tu dévoiles toute ta palette de compétences...
Exactement, c'est ma deuxième casquette en quelque sorte.

Tu parlais du double album, avec ce disque "A l'ancienne" justement. D'où te vient ce goût immodéré pour la funk ?
Déjà c'est la musique avec laquelle j'ai grandi, la musique des "grands du quartier" comme on disait (sourire) ! C'est comme ça que j'ai découvert cette musique et je ne l'ai jamais lâchée. J'ai tellement baigné dans cette musique qu'elle est en moi. Même si j'essayais de faire un morceau purement hip-hop ou d'un autre style, inconsciemment il y aura toujours une touche de funk, dans l'attitude, dans plein de choses...



Il y a déjà un premier single qui tourne en radio, "Funk You" avec Mister You. Tu as suivi un peu son parcours, tout ce qui s'est passé dans sa vie auparavant ? Comment vous-êtes vous rencontrés et pourquoi cette collaboration ?
(rires) Oui j'ai suivi son parcours, je sais d'où il vient et ce qu'il a enduré. Moi j'ai la chance de vivre d'une passion qui est la musique, et bizarrement il m'arrive tout un tas de choses dans la vie, auxquelles j'essaie de ne pas trop réfléchir. Je ne fais jamais de choix, je saisis les opportunités qui se présentent parce que la musique pour moi ce n'est pas un boulot, c'est vraiment un kiff ! Alors tout ce que peut m'apporter la musique je le prends, sans me poser de questions, je n'ai pas d'états d'âme là-dessus. J'étais en train de mixer à Courchevel, Mister You était à l'époque encore en semi-liberté, donc libre les week-end. On s'est rencontrés par hasard à cette soirée. Ses potes sont venus me voir en me disant : « Tu pourrais pas mettre du Mister You, il est là et tout ! ». J'ai mis son morceau, il est venu me voir et puis voilà, on a discuté, pris un verre... C'est un jeune qui est très respectueux malgré tout ce qu'il a subi... oui, j'ai trouvé beaucoup de respect et d'intelligence chez ce jeune homme. On s'est découvert
" Mister You est comme un petit frère pour moi, une vraie rencontre humaine ! "
plein de points communs : il est du Maroc, de Casablanca, comme moi. On vient aussi du même quartier, le XIXème arrondissement de Paris dans lequel j'ai vécu trente ans... Et voilà, deux jours après on était en studio !

C'est drôle quand tu parles de lui, on sent beaucoup d'émotion de ta part, c'est une rencontre qui t'a touchée ?
Ah oui c'est une personne qui m'a touchée vraiment ! Il est devenu comme un petit frère pour moi et c'est un artiste que j'apprécie surtout. J'ai appris à le connaître en studio parce qu'avant je le connaissais comme tout le monde, sur Internet et via quelques morceaux qui tournaient sur Sky. Mais j'ai appris à le connaître et c'est aujourd'hui une vraie rencontre humaine ! Quand je le vois c'est comme si je voyais un membre de ma famille, c'est un lien vraiment fraternel qui s'est créé entre nous.

Justement le morceau tourne très bien en radios. Ne penses-tu pas que c'est aussi ton nom qui a permis de lui ouvrir ces portes là ? Avais-tu cette volonté en enregistrant ce titre avec lui, de le réhabiliter en quelque sorte ?
Sincèrement non, même pas ! Je n'aurais pas la prétention de dire que c'est mon nom qui lui a permis d'être diffusé sur NRJ par exemple, je pense que c'est plutôt le fait que l'on ait fait un morceau qu'on assume totalement. C'est aussi une vraie rencontre, son travail et le mien réunis. Lui avec sa folie, sa pêche, sa façon de faire et ce dynamisme, face à moi avec mon expérience, qui a fait que ce morceau a fonctionné. Parce qu'on ne s'est pas posé de questions, on ne s'est pas dit « on va faire les choses comme ci ou comme ça pour passer sur NRJ ». On voulait juste faire de la musique pour faire de la musique. Quand on m'a dit que "Funk You" passait sur NRJ j'étais le premier surpris, je me suis dit : « C'est pas possible ! Attends Mister You il sort de prison, il arrive sur NRJ ! ». C'est ça qui est magique ! C'est ce genre de choses qu'il faut faire, quand on essaie de calculer on n'arrive à rien. Toutes les fois où j'ai voulu planifier les choses, ça ne marchait pas. Tu sais on fait de la musique avant tout ! Si quelqu'un avait la recette pour fabriquer un tube, on en ferait tous les jours. Mais voilà, des fois dans la vie, on doit se dire que ça a été le bon moment, le bon feeling, l'heure exacte... j'étais de bonne humeur, lui aussi, on a “claqué un titre” comme on dit. La magie était présente à ce moment là, et on l'a fait...

Regardez le clip "Funk You" de DJ Abdel et Mister You, premier extrait d'"Évolution 2011" :


On parlait d'évolution tout à l'heure. Tu as parcouru pas mal de chemin depuis l'époque où le hip-hop était encore stigmatisé, tandis qu'aujourd'hui, il a gagné ses lettres de noblesse. Comment as-tu commencé à mixer ? A tes débuts, imaginais-tu en arriver là ? J'ai vu que tu avais animé les directs de "Nulle part ailleurs", ainsi que les dernières cérémonies de Miss France, les primes de "Star Academy"...
" Il faut arrêter de dire que le rap c'était mieux avant, il faut s'adapter "
En fait, ça rejoint ce que je te disais tout à l'heure. Je ne me suis jamais posé de question, c'est peut-être pour cette raison que toutes ces choses me sont arrivées. Après, il est vrai que je n'aurais jamais imaginé atteindre ce niveau, je n'imaginais pas que le hip-hop allait évoluer à ce point là, ça c'est clair ! Aujourd'hui le rap fait quasiment partie de la variété. C'est d'une part très gratifiant, c'est aussi rassurant pour l'avenir du rap. Il faut juste arrêter de dire que le rap c'était mieux avant, il faut s'adapter. Tout évolue, la vie évolue donc le rap évolue. Voir le rap faire partie du paysage de la variété française... (sourire) ! Avant le terme “variété” était péjoratif, on disait « Ça fait“ variét'” ! ». Variété ça veut dire que ça fait partie intégrante de la musique française. Quand je regarde la télé et que je vois un "Taratata" spécial rap, ou encore aux Victoires de la Musique, Abd Al Malik qui fait du slam, Sefyu etc. on aurait jamais pu en espérer tant. Cette musique est connue, reconnue, qu'il s'agisse de NTM, IAM ou MC Solaar, quand ils constatent ça aujourd'hui, ils doivent être fiers de ce qu'ils ont apporté.

Tu as devancé un peu ma question suivante ! Tu as connu et côtoyé tous ces artistes qui ont posé les fondations du rap en France, de Fabe à Oxme, Dee-Nasty, AKH... Quel regard portes-tu sur cette nouvelle génération ? Fais-tu partie de ceux qui pensent que l'on perd au change, que l'on a perdu les poètes d'auparavant ?
Oxmo Puccino est un vrai poète, dernièrement il a fait un album qui a cartonné, Soprano aujourd'hui est un vrai poète aussi. Après, le rap, ça reste une musique qui vient de la rue et qui reflète ce que vivent les jeunes. Ils racontent ce qu'ils vivent et racontent leurs influences surtout ! Avant on n'avait pas tout ce qu'on trouve à la télé de nos jours, il n'y avait ni ces chaînes câblées, ni toutes ces influences américaines... Le rap à notre époque c'était Grand Master Flash et le tube qu'on écoutait "The Message", on ne pouvait qu'être des poètes ! A côté il y avait aussi des artistes comme NTM qui racontaient ce qu'ils vivaient et là... attention hein c'était... (rires) Ceux qui avaient les plus belles plumes comme Solaar par exemple, pour lequel j'ai beaucoup de respect, étaient le plus souvent mis en avant. Mais aujourd'hui quand je vois Oxmo je le dis et je pèse mes mots, il a fait un album magnifique. Idem pour Soprano qui est un enfant qui vient de la rue et qui a sorti un dernier
" Le rap, ça reste une musique qui vient de la rue et qui reflète ce que vivent les jeunes "
album très intelligent. Il est arrivé à un point de sa carrière ou il a passé un cap et je suis vraiment content de voir ça. Il y a un peu de tout et c'est ce qu'il faut dans le rap ! Moi je ne pourrais jamais dénigrer le rap !

D'ailleurs comment s'est passée ta rencontre avec Soprano?
Soprano je l'ai connu au début de sa carrière ! Je suis DJ depuis longtemps donc j'ai suivi son évolution. On a collaboré sur "Hip-Hop Soul Party VI" avec les PSY 4 2 La Rime, on avait fait un morceau avec Cut Killer qui s'appelait "Au taquet" qui est devenu un grand classique du rap. Donc là c'est moi qui l'ai appelé. Il avait un planning de ministre, il était en pleine promo de son album qui a bien cartonné mais il m'a dit oui tout de suite ! Il est resté égal à lui-même, sans chichi. C'est à ça qu'on reconnaît les grands messieurs, quand ils trouvent le temps pour faire de vraies collaborations. J'ai été très touché par ça.

Regardez le clip "C'est ma life" de DJ Abdel et Soprano extrait de "A l'ancienne Vol.3/Évolution 2011" :


On sent un vrai amour du rap, du hip-hop, de la musique quand tu en parles. Mais n'as-tu jamais eu envie toi, de quitter tes platines et de tenir le micro ?
Non ! (rires) Quelquefois je m'amuse avec des potes et je me mets derrière la cabine en studio, mais ça s'arrête là, je suis trop timide pour ça ! Je ne peux pas assumer le fait de me mettre en avant. J'ai toujours été comme ça c'est dans mon tempérament, ce n'est même pas un choix artistique ! Je pense qu'il y a des gens comme ça, comme Akhenaton, comme Mister You, qui ont du talent pour rapper, et puis il y en a comme moi qui sont faits pour composer, pour être DJs, voilà...

Comment as-tu commencé à mixer, c'était un loisir à la base ou envisageais-tu déjà d'en faire une activité professionnelle ?
" Solaar par exemple, pour lequel j'ai beaucoup de respect "
C'est toujours un loisir ! (rires) C'est toujours un plaisir et un loisir avant tout, je ne considère pas ça comme un boulot. J'ai la chance de vivre de ma passion (sourire). Comment j'ai commencé ? En écoutant Dee-Nasty à la radio, c'est vraiment la personne qui m'a donné l'envie de mixer. J'étais vraiment, sans peser mes mots, un fanatique de ce mec ! J'allais dans toutes ses soirées, de minuit à cinq heures du matin, dernier métro le soir, premier métro le matin... Il me voyait devant lui à chaque fois, je restais devant les platines, je regardais comment il faisait, c'était vraiment un artiste dans son domaine. Il s'avère qu'il habitait dans mon quartier et un jour je l'ai aidé à porter ses bacs à disques... On est devenu potes depuis ce jour-là. C'est un grand monsieur qui m'a appris et apporté énormément. Il a été le premier à me donner ma chance, et c'est grâce à lui si j'en suis là aujourd'hui.

Crédits photo : Facebook officiel DJ Abdel
Concernant ton nouvel album, on sait déjà qu'il y aura Mister You et Soprano, d'autres noms pour nous en exclu ?
(rires) Oui, il y aura L'Algérino avec son personnage fictif Johnny Hama pour un morceau très très marrant vous verrez... Qui d'autres.. Akhenaton parce qu'il faut des valeurs sûres ! (rires) Il y a aussi un groupe que j'aime beaucoup qui s'appelle la Scred Connexion, mes voisins du XVIIIème arrondissement. Il y a une nouvelle chanteuse qui s'appelle Indila, c'est elle qui a fait le morceau "Criminel" avec TLF. Elle est d'origine hindoue et maghrébine, elle chante en anglais en indien et en
" Je ne peux pas travailler avec un artiste s'il n'y a pas de feeling. "
français, un vrai talent ! L.E.C.K aussi, un de la nouvelle génération, et puis plein d'autres, mais je ne vais pas tout te dire quand même il faut que je garde quelques surprises !

Ce que je relève de cet entretien c'est que tu fonctionnes à l'affectif essentiellement. Il y a du talent derrière certes, mais on sent chez toi un grand attachement aux artistes avec lesquels tu collabores...
Bien sûr ! Un artiste qui aurait juste du talent et avec lequel il n'y a aucun feeling, je pense que ça ne marcherait pas, moi je ne le ferais pas... Ce n'est déjà pas facile de travailler avec des artistes parce que c'est dur parfois pour certains de venir et de se livrer à un gars avec qui ils n'ont jamais travaillé, à ses compos, à son état d'esprit, s'imprégner de tout ça... Mais quand tu y arrives c'est magique et la preuve, il y a de beaux titres qui en sortent.
Toute l'actualité de DJ Abdel est sur www.djabdel.com ou sur son Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez les différents singles et albums de DJ Abdel.

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