mercredi 11 mai 2011 0:00

Véronique Rivière en interview

C'est dans un Paris ensoleillé du mois d'avril, que nous avons eu le bonheur de rencontrer Véronique Rivière à l'occasion de la sortie de son nouvel et sixième album "Aquatinte". Le temps d'évoquer le parcours atypique d'une chanteuse épicurienne, pleine de talents, d'humour et de vie, et que la jeune génération a découvert en 2009 dans la comédie musicale de Laurent Ruquier, "Je m'voyais déjà", aux côtés notamment de Jonathan Cerrada. Une femme aussi passionnée que passionnante !


Ma chanson préférée en ce moment dans votre nouvel album intitulé "Aquatinte" signé chez Edina Music est "L'eau qui dort", dans laquelle vous dîtes « Ne va pas réveiller l'eau qui dort / La passion qui dévore / Elle a déjà fait des ravages / Mieux vaut tourner la page … ». Aspirez-vous aujourd'hui à plus de tranquillité ? La passion vous fait-elle peur désormais (Mathieu Rosaz, rédacteur) ?
Véronique Rivière : Non. Je crois que je ne vis que de passion. Avec les années on se rend compte qu'il y a des passions autres qu'amoureuses.
« Préparer un tour de chant pour des gens qui vont venir m'écouter, c'est très proche de la relation passionnelle amoureuse sans les dégâts ! »
J'ai diversifié mes passions. Avant j'étais très “couple” et comme je suis peut-être un peu compliquée, j'ai toujours aimé les relations compliquées avec les gens compliqués. Donc ça épuise. J'adore ça mais il faut pouvoir s'en remettre et comme la vie est courte je veux maintenant pouvoir profiter de mes autres passions qui sont la cuisine, les amis. Préparer un repas pour des amis que j'aime me met dans un état de transe complet. Préparer un tour de chant pour des gens qui vont venir m'écouter, c'est très proche de la relation passionnelle amoureuse sans les dégâts ! Je ne pense pas que les passions meurent. On dit souvent « la passion on la vit à fond et puis après… ». Non, ça finit souvent en drame mais c'est comme un monstre qui dort et si on se remet dans les conditions, ça repart et avec le temps il faut se protéger un peu.

On retrouve aussi un peu cette idée dans votre reprise de "L'herbe tendre" signée Serge Gainsbourg et Michel Colombier, et reprise également par Adrienne Pauly sur son premier album. Une chanson du film de Jacques Poitrenaud "Ce sacré grand-père" sorti en 1968. Le besoin de ménager sa monture !
Voilà ! Faut pas se déchirer le cœur. Avoir le cœur qui bat, s'emballer, c'est formidable. Mais se détruire, se brûler au point de ne plus pouvoir repartir, c'est dommage … Et il suffit d'aimer la vie et de se dire qu'on a tous des malheurs ! Il n'y a pas plus commun que le malheur. On vit tous les mêmes choses plus ou moins. Quand on est très malheureux on a l'impression d'être le seul au monde. C'est peut-être ce qu'il y a de bien dans le fait de chanter des chansons tristes devant des gens qui vous disent que vous racontez leur vie alors que vous racontez la vôtre! Partager ses malheurs et ses bonheurs fait partie des grands plaisirs de ce métier.

Visionnez Véronique Rivière en répétition avec Michel Haumont (2010) :


Ce que vous dîtes me rappelle votre chanson poignante "Le bonheur des uns" sur l'album "Mojave" (1992)...
Je pars de faits réels mais il me faut le temps de les digérer et quand je les écris, les histoires sont souvent en suspend, entre parenthèses ou bien terminées et quand j'ai chanté cette chanson, la personne directement concernée est venue écouter. La chanson exprimait une tension, une passion violente et cette personne était beaucoup plus émue que moi ! Moi je l'avais digérée en la chantant et d'un seul coup cet homme est arrivé en disant « C'est pour moi ? » et j'ai répondu « Mais non ! A l'époque je criais reviens ou aimons-nous. Maintenant c'est fini, c'est une chanson ! ». Quand ça devient une chanson et qu'on l'a partagée avec tout le monde, on ne peut plus revenir en arrière.

« Avant d'avoir un prénom, on m'appelait “la parisienne”… »
Pensez-vous qu'il est possible d'écrire une chanson sur l'être aimé avec qui l'on vit, ou sur le désir en général sans trahir son propre jardin secret et éveiller chez l'autre une jalousie, un voyeurisme, une méfiance ?
Il suffit de trouver la personne suffisamment ouverte d'esprit pour comprendre que votre activité est d'écrire sur des émotions qui peuvent aussi bien remonter à l'enfance, à l'adolescence ou à des histoires passées. Ce qu'on écrit ne se situe pas forcément directement dans le temps présent. Ce n'est pas parce qu'on parle d'une histoire d'amour avec un marin grec par exemple qu'on a rencontré un marin grec! Il faut juste trouver la personne assez intelligente pour analyser ça comme une jolie chanson et qu'elle prenne ce qui l'intéresse.

En somme noyer un peu le poisson comme Barbara ou Véronique Sanson ont su le faire parfois !
Voilà ! J'aime bien être très premier degré dans les formulations tout en laissant une possibilité de second degré si on cherche un peu ! Je ne raconte jamais dans le détail mes expériences. C'est le sujet qui m'importe mais pas au point de mettre tout ça dans une enveloppe avec le nom de la personne, un timbre et d'envoyer le tout ! Une chanson c'est pas ça. C'est quand même destiné à toucher un maximum de gens donc on est obligé d'user d'un peu d'imagination et de ne pas raconter que sa propre vie.

Est-ce que c'est là que peut intervenir une sorte d'autocensure ?
Ce n'est pas une censure ! Vous partez d'un fait réel et d'un seul coup vous le rêvez, vous le déstructurez au gré de votre imagination. C'est le contraire d'une censure ! C'est ne pas se limiter à la simple réalité. Ce qu'il y a de beau c'est que cette réalité vous a donné l'émotion. Mais après vous en faites ce que vous voulez ! Vous pouvez devenir une héroïne absolument fabuleuse ; l'autre peut devenir un être visqueux, méchant ou encore un être perdu qu'on arrange à sa manière et qu'on rend magnifique !

Visionnez le clip de Véronique Rivière, "Tout court" (1989) :
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« Je n'allais pas vivre dans une petite chambre de bonne au sixième étage, en suppliant qu'on me signe »
La chanson "Un matin" sur ce dernier album évoque le départ vers une vie nouvelle. C'est ce que vous avez vécu il me semble entre l'album "En vert et contre tout" (1996) et l'album "Eponyme" (2005). Pouvons-nous revenir sur les raisons de ce départ ?
Les raisons sont très simples. Paris est une ville magnifique que j'aime infiniment puisque j'y ai passé l'essentiel de ma vie, mais c'est aussi une ville très chère et quand les temps sont difficiles… Enfin moi je ne pouvais pas m'imaginer une seule seconde vivre dans une petite chambre de bonne au sixième étage sans ascenseur, tout en allant frapper aux portes des maisons de disques en suppliant qu'on me signe. Pour moi c'était un signe de mort. J'aime énormément la vie et la vie l'emporte sur tout et comme j'avais quelques amis à la campagne, là où je louais un petit cabanon en zone agricole inondable dans la plaine de la Durance pour aller me reposer de temps en temps (ndlr : maison évoquée dans la chanson "Dans les bras d'Alexandre" en 1996), et bien ma voiture, mes petites affaires et moi, ça nous coûtait beaucoup moins cher de partir et de lâcher l'appartement parisien. Mon départ à la campagne, ça a été ça à la base. Il faut aller vivre dans un endroit où tu pourras continuer à sourire, manger à ta faim et garder la tête haute ! Mais l'arrivée a été spéciale. Je ne suis pas du tout campagnarde, les gens du sud que j'aime énormément sont long à la détente pour vous accepter et arriver en tant que parisienne qui est le terme générique de l'envahisseur, ça regroupe tout, c'est terrifiant ! Il m'a fallu quelques années avant d'avoir un prénom, on m'appelait “la parisienne”… Autour de moi je voyais les charmants paysans passer en tracteur, j'agitais la main, j'essayais de nouer un semblant de conversation… Le premier qui s'est arrêté l'a fait pour me demander si j'étais mariée, je lui ai dit non et il m'a dit avec sa grosse voix « j'ai un fils qu'est comme vous »… Donc j'ai eu très peur (sourire). Y'en a un autre qui est passé un jour en me demandant si je comptais vivre là, j'ai répondu « oui » et il m'a dit « vous ne passerez pas l'hiver »… Donc les premiers temps c'était dur. Et puis je m'y suis faite. J'ai appris à vivre avec les saisons, à rentrer le bois avant l'hiver, à faire attention à ce qu'il ne soit pas trop vert…

Vous avez un centre équestre si j'ai bien compris ?
Moi je n'ai rien du tout. Moi j'étais une chanteuse en déroute, j'avais cette petite maison avec un hectare de terre et ma route a croisé à ce moment-là celle d'une amie monitrice qui avait quelques chevaux mais plus d'endroit où les mettre. Elle m'a demandé si elle pouvait les mettre sur mon terrain, j'ai dit bien sûr et quelques jours plus tard des clients sont passés en nous demandant s'ils pouvaient faire une promenade. Cette amie qui ne pensait pas monter son activité là m'a dit « si on essayait ! ». Moi je n'avais pas de travail et j'ai dit « si j'apprenais… ». On est parti dans cette histoire et maintenant c'est une petite entreprise qui fonctionne avec une trentaine de chevaux et poneys.



Vous montez à cheval ?
Je montais à cheval. On va dire que ça faisait partie de mon éducation de fille de bonne famille mais ce qu'on apprend quand on vit avec les chevaux c'est plutôt le métier de palefrenier. Ça je ne connaissais pas du tout (rires). Faire le fumier tous les jours, les rattraper quand ils s'échappent… C'est moins joli que quand j'allais faire du cheval enfant avec ma jolie petite tenue d'équitation et que le cheval était scellé etc. Mais j'ai appris plein de choses, notamment qu'une chanteuse en déroute pouvait servir à quelque chose. Et c'était fabuleux d'apprendre à bricoler, à réparer des clôtures, à assumer ma peur face à des chevaux qui s'échappent en pleine nuit et qu'il faut aller chercher…

« Je regarde le public comme un troupeau de poneys »
Peut-on voir un parallèle entre la maîtrise d'un cheval et celle de la scène ?
J'ai toujours été une trouillarde, j'ai toujours eu peur de tout et surtout de perdre les gens que j'aime. C'est une peur terrible car non seulement on fait attention à soi mais on fait aussi très attention aux autres. Ça peut être insupportable pour les autres. Mais depuis que je suis revenue à la scène en 2009 dans le spectacle de Laurent Ruquier "Je m'voyais déjà" d'après les chansons de Charles Aznavour, et qu'il y a parallèlement dans ma vie ce petit centre équestre, j'ai toujours peur mais quand je regarde le public, je le regarde comme un troupeau de poneys (rires). Ça peut paraître idiot mais les poneys ont peur de nous si on leur en impose un peu. Si vous les laissez faire ils vous marchent dessus. Sinon ils s'arrêtent. Et cela m'a servi. Les gens, c'est comme un troupeau. Si vous les gérez un peu, ils vous écoutent !

Véronique Sanson disait récemment dans une interview que ce dont elle a le plus peur sur scène, c'est d'elle-même…
Mais bien sûr ! Il faut un orgueil démesuré pour aller se présenter devant des gens. C'est hallucinant. Souvent les artistes sont des gens réservés et timides dans la vie. Quand on me demande comment je fais pour monter sur scène, je réponds que je ne sais pas mais j'ai besoin de ça même si c'est terrifiant. C'est de soi dont on a peur car on ne peut pas être sûr de soi. Qui peut l'être ? Les gens sans cervelle ! Il y a quand même à la base un orgueil fou. Mais ce n'est pas un défaut! C'est bien de vouloir exister surtout quand on se sent différent. Aller peut-être à l'encontre de tous les autres mais croire que ce qu'on fait en vaut la peine et vouloir montrer aux autres que ça en vaut la peine. Ça c'est bien.

Visionnez Véronique Rivière live, "Besoin de personne" dans "Sacrée soirée" (1990) :


« Une chanteuse en déroute pouvait servir à quelque chose »
Quand vous avez commencé à chanter, votre père, le réalisateur Alexandre Tarta, vous a demandé de changer de nom comme s'il avait peur de vous voir faire des bêtises. Cela m'a un peu étonné de la part d'un homme qui évolue dans un milieu artistique et qui pouvait peut-être comprendre plus facilement qu'un autre votre vocation ?
Oui. J'adore mon père. Sur le moment cela m'a un peu troublée mais voilà, il était réalisateur de télé, c'est un monsieur sérieux qui gérait de grands directs et je pense que sa première réaction a été de dire « change de nom » c'est tout, je ne sais pas. Ma mère était là et m'a dit que je pouvais bien sûr prendre son nom à elle et Rivière est un nom que j'aime énormément.

Enfant, vous fréquentiez le monde artistique, les chanteurs, acteurs ?
Non pas du tout. Mon père était plutôt dans les débats politiques. Il a été réalisateur d'"Apostrophe" aussi, entre autres. Le show-business n'était pas trop son domaine.

A-t-il été fier de vous ensuite ?
Mais il l'est. Je crois qu'il l'est. Il me le dit depuis peu. On aura mis beaucoup de temps à se trouver. Mais mieux vaut tard que jamais ! Il fait partie de mes grandes passions, mon père.

Ecoutez le titre de Véronique Rivière, "Inegalter ego" (1996) :


Vous avez donc repris le rôle de Diane Tell en 2009 dans le spectacle "Je m'voyais déjà" produit par Laurent Ruquier d'après les chansons de Charles Aznavour. Qu'est-ce que cela vous a apporté en tant qu'interprète et n'est-ce pas frustrant de chanter les autres au bout d'un moment quand on est soi-même auteure-compositrice ?
« Il faut aller vivre dans un endroit où tu pourras continuer à sourire, manger à ta faim et garder la tête haute! »
Quand on est auteur-compositeur-interprète, il y a aussi plein de personnages différents. J'aime écrire, j'aime trouver des mélodies, j'aime chanter, je peux avoir envie d'écrire pour d'autres mais je peux adorer chanter les chansons des autres. Ce n'est pas incompatible. J'ai mes chanteurs favoris que je chante comme tout le monde dans ma voiture, dans ma baignoire. J'ai toujours fait au moins une reprise dans mes propres spectacles. Ma grande spécialité c'est les langues étrangères. Mon père étant russe, j'ai chanté une chanson en russe ("Russian Song" sur l'album "Mojave" en 1992) et j'ai souvent chanté des chansons en anglais, en espagnol, en italien. Je me régale avec ça ! Mon “école de musique”, ce sont les folksongs des années 1975-80 comme James Taylor, Carly Simon. Ce sont les premiers disques que j'ai achetés. Les comédies musicales à la base c'est pas trop mon truc, mais Aznavour ce n'était pas pareil. J'étais ravie de bosser déjà. Chanter Aznavour c'est plutôt agréable ! Les jeunes gens de la comédie musicale comme Jonathan Cerrada étaient charmants, Laurent Ruquier est un homme que j'adore. Je jouais le rôle d'une chanteuse has-been et alcoolique et je trouvais ça fabuleux comme rôle ! J'adore le vin rouge et il est vrai que ma carrière est un peu en dents de scie. Je n'allais pas dire « mon Dieu c'est un rôle que je ne peux pas jouer » etc. ! Il y avait deux ou trois scènes dans lesquelles je pouvais me lâcher totalement en alcoolique finie. Franchement c'est un rêve de pouvoir rentrer soi-disant saoule sur scène ! C'est magnifique ! Je me suis régalée !

Visionnez quelques extraits de la comédie musicale "Je m'voyais déjà" (2009) :
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Est-ce que cette faculté d'adaptation dans une troupe vous vient de vos débuts au Café de la Gare dans les années 80 avec toute l'équipe de Romain Bouteille ?
Comme tous les solitaires dont je fais partie, il y a des moments où j'ai envie de dévorer de l'équipe mais pas trop longtemps. Je ne m'ennuie jamais quand je suis seule et si je m'ennuie en groupe je m'en vais.

Avec tous les moyens techniques actuels: les home studios, internet etc. On peut être vite isolé dans son travail quand on est auteur-compositeur-interprète voire arrangeur !
Je trouve que c'est une erreur terrible. Le côté je fais tout, je gère tout toute seule du début à la fin, c'est pas mon truc. J'aime écrire, je joue très mal du clavier mais je fais mes mélodies.

J'avais été étonné effectivement quand je vous ai vue sur scène de voir que vous ne vous accompagniez pas à la guitare. Je vous imaginais à la guitare…
« Mon “école de musique”, ce sont les folksong des années 1975-80 comme James Taylor, Carly Simon. Ce sont les premiers disques que j'ai achetés »
. Mais même du tambourin, je ne peux pas ! Quand je chante, je chante. Mes gestes sont ceux d'une “Parkinsonienne débutante” (rires). Je suis dans ce que je chante. Quand je compose, je compose au clavier en corrigeant mes fausses notes sur l'ordinateur et ensuite je fais un piano-voix que je présente aux musiciens. Très vite j'ai un besoin inouï de la présence d'un musicien compétent, talentueux et puis d'un œil extérieur. Il n'y a rien de plus agréable quand on arrive avec ses petits squelettes de chansons que d'avoir l'apport des autres musiciens, leur regard, leur touche, leur ouverture. La guitare et moi nous avons un grand problème. Quand j'étais petite j'ai reçu une éducation classique donc j'ai fait équitation classique, danse classique, guitare classique. Ma sœur avait les mêmes activités et mon frère faisait judo à la place de danse classique évidemment. Ma sœur était très douée en guitare et moi pas du tout. J'étais gauchère mais à l'époque on n'inversait pas les cordes, il n'y avait pas de guitares pour gauchers donc j'étais très mauvaise et je n'arrivais pas non plus à lire la musique. J'en ai fait sept ans en ne progressant quasiment pas. Je détestais ça. Au bout de sept ans et demi j'ai réussi à dire à ma mère: « je ne veux plus jamais toucher cet instrument ». Mais j'adore la guitare et Michel Haumont, arrangeur de l'album, joue divinement. Je pourrais le regarder jouer pendant des heures mais pour rien au monde je ne retoucherais cet instrument. Si, je vais être honnête, j'ai une seule guitare à la maison et parfois le soir, j'essaye. Mais je fais sonner trois cordes et après j'arrête. J'ai un vrai problème avec cet instrument même si j'adore la guitare.

Votre premier album "…Et vice verseau…" (1987) sonnait assez variété. On vous sent parfois prise entre une variété de bonne facture et une chanson d'auteur plus à l'ancienne. Avez-vous, à la fin des années 80, dû faire des compromis musicaux pour entrer dans les formats radio/télé de l'époque ?
Sur le tout premier album, je ne faisais pas de musiques. Je n'ai fait que les textes. Si j'ai voulu faire des compromissions, je me suis alors franchement plantée (rires) ! Quand j'ai fait "A part Ted", le jeu de mots ne plaisait pas à tout le monde. Les radios n'ont pas voulu diffuser le titre. Pour "Georges", on m'a dit qu'une fille ne pouvait pas dire des mots comme ça… Non, ça a été très dur avec le premier album, on a beaucoup ramé. C'est plus tard avec "Tout court" et "Capitaine" - que certains trouvaient trop triste et juraient qu'elle ne passerait jamais en radio, qu'il y a eu un engouement (visionnez le spot TV autour de l'album éponyme de Véronique Rivière en 1989).

La musique de "A part Ted" (1987) est signée Yves Martin, mari et compositeur de Sheila. Que s'est-il passé ?
Il n'était pas encore le compagnon de Sheila à l'époque je crois, mais il avait commencé depuis un certain temps à écrire pour elle et il avait surtout fait un très bel album pour lui. Je ne sais pas si ça a fonctionné ou pas mais il était très talentueux et je l'avais rencontré par l'intermédiaire de Dominique Blanc-Francard qui produisait mon disque. On avait sympathisé et puis voilà, il a souhaité me faire une musique, moi j'avais ce texte et ça a donné cette chanson.

Visionnez clip de Véronique Rivière, "A part Ted" (1987) :
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« Si j'ai voulu faire des compromissions, je me suis alors franchement plantée ! »
Il y a un petit film qui se balade sur le Net et qui illustre une version intermédiaire de votre chanson "Bras cassés" (réarrangée par Michel Haumont sur "Aquatinte" en 2011) dans lequel on vous voit à la campagne en compagnie de Marie Laforêt, Michael Gregorio, Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier, entre autres. C'est un clip très chaleureux qui peut laisser croire que vous connaissez du monde susceptible de vous faciliter la tâche au niveau des médias et des productions. Or, cela ne semble pas si évident…
Je ne connais pas du monde, je connais une personne qui aime ce que je fais depuis mon premier disque et qui est Laurent Ruquier. Il s'est toujours démené, c'est un ami véritable. Je ne peux pas dire qu'on se voit souvent, mais c'est un fidèle parmi les fidèles. Que je sois au top ou en bas, c'est quelqu'un qui prendra toujours de mes nouvelles, et Dieu sait s'il y en a peu dans ce métier des gens comme lui…

N'aurait-il pas pu vous aider par exemple à signer à nouveau dans une major du disque ? Il avait réussi à remettre Pauline Ester sur les rails avec un Best Of incluant trois inédits, signé chez Polydor en 2006, avec trois dates au Café de la Danse à la clef...
Il a essayé ! Mais c'est pas suffisant ! On aime ou on n'aime pas ce qu'il fait mais c'est un homme qui adore les textes, les chanteuses. C'est un véritable amour qui vous suit, qui est content ou triste avec vous et qui fera tout ce qu'il peut. Mais il n'est pas producteur de disques. Le “musique business” n'est pas son domaine. Il fait son maximum !

Visionnez le clip de Véronique Rivière, "Bras cassés" (version 2007) :


Certaines chanteuses comme Michèle Bernard, Véronique Pestel ou Anne Sylvestre ont développé des activités parallèles, tout en restant dans la musique (ateliers de chant, chansons pour enfants etc.). Avez-vous déjà songé à prendre ces directions-là ?
Mais je n'ai rien à dire aux enfants ! J'ai adoré les contes de fées que ma maman me racontait. J'aimais Grimm et Perrault et je conseille à tous les parents d'arrêter d'emmener leurs enfants voir toutes les conneries de Disney où le méchant devient gentil et où le monstre ne meurt pas et finit par être adopté par "La Princesse et le Prince charmant"… Faut lire les vrais auteurs qui évoquent déjà la dureté de la vie. Les contes de Grimm ou de Perreault sont magnifiques ! Qu'ils lisent les originaux ! Je n'ai rien à dire aux gamins à part « foutez le bordel » et faut pas le dire dans les chansons… Les cours de chant, je n'ai jamais supporté d'en prendre alors comment pourrais-je en donner ? Je ne supporte pas plus ma position d'élève que je ne supporterais ma position de professeur. Quand j'étais petite, je suis allée à la chorale où on m'a tout de suite dit que je chantais trop fort. J'ai fait une seule séance. Ma mère m'a envoyée voir une prof du chant classique qui m'a dit que je devais chanter du Wagner et là aussi j'ai répondu que ça ne m'intéressait pas. Moi j'aimais chanter Maxime Le Forestier ! Mais je n'avais aucune envie de prendre des cours de chant et je n'écris pas des chansons qui nécessitent une technique vocale hallucinante. Je respire là où il faut et puis voilà. Faire des stages d'été "Yoga-Chanson", il y en a quatre-vingt-douze mille qui en font. Non, c'est de l'attrape-couillons. Faut arrêter. Je vis dans le Sud, des stages "Chant-Yoga", "Chant-Poterie", "Chant-Macramé" y'en a à foison. Au secours ! Vous voulez chanter ? Et bien chantez, gueulez, allez à la campagne et hurlez, ça vous fera du bien (visionnez Véronique Rivière dans "Tout le monde en parle" en 2006) !

Il vous est arrivé d'écrire quelques chansons pour d'autres comme "J'perds le nord" pour Véronica Antico, ou "Crépuscule" pour Nana Mouskouri. Ce sont des rencontres, des commandes d'éditeurs ?
« Je trouve triste et lamentable que les jeunes groupes français ne chantent plus qu'en anglais »
"Crépuscule" c'est une chanson que j'avais écrite pour moi. Enfin pour moi… J'écris tout le temps alors j'ai toujours des textes en stock mais celui-là faisait partie de ceux que je comptais chanter et à l'époque j'étais allé voir un éditeur qui bossait pour Universal et qui s'appelle Laurent Balandras et c'est lui qui a montré "Crépuscule" à Nana Mouskouri qui a eu envie de l'enregistrer. Je parlais dans ce titre d'un coucher de soleil dans la campagne et elle, elle y a vu le 11 septembre… Comme quoi une chanson peut être interprétée de manière très différente ! Véronica Antico c'était une commande et c'était une adaptation d'une chanson américaine. J'ai aimé faire ça. J'adore l'anglais comme j'adore l'Italien, l'espagnol. Toutes les langues chantées ont un certain charme à part peut-être pour moi certaines langues nordiques auxquelles j'ai du mal à me faire. Mais je trouve triste et lamentable que les jeunes groupes français ne chantent plus qu'en anglais. On a une langue magnifique avec des possibilités de jeux, de subtilités infinis. Mais elle est plus dure à travailler que l'anglais. L'anglais ça sonne tout de suite même si le texte est stupide. S'il est bien chanté ça swingue à mort. Le français demande plus d'attention et plus de recherche. Quand on va chanter au Québec on se demande pourquoi les français ne sont pas aussi amoureux qu'eux de leur langue ! En France on s'excuse de tout. On a la meilleure cuisine du monde, les meilleurs vins. A un moment faut arrêter d'avoir honte de ce qu'on est ! Faut être fier de ce qu'on est, de la mixité, des mélanges et de ce pays qui est magnifique !

Merci Véronique.
Merci à vous Mathieu et à Pure Charts de me soutenir !

Visionnez clip le clip de Véronique Rivière, "Première manche" (1990) :
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Contact Scène : Edina Music (01 40 41 96 86).
Pour en savoir plus, visitez son MySpace officiel.
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