Crédits photo : Matthieu Zazzo
Deux ans après l'accueil mitigé réservé à son vaste projet "Za7ie", disque de 42 pistes dont le format complexe a étouffé son effort musical et textuel, Zazie se veut à la fois rassurante, en proposant un album court de onze plages, mais prend des risques en s'éloignant un peu plus encore de la variété française avec des sons électroniques modernes. Sans être avant-gardiste, "Cyclo" est un album ovni dans la discographie de la chanteuse, même si le propos reste le même tout en étant plus intime, et alors même que les mélodies restent dans la lignée de ce à quoi on était habitué. L'évolution majeure se situe du côté des arrangements avec une production signée Olivier Coursier, membre du duo AaRON avec qui Zazie avait déjà collaboré pour le duo "La place du vide". Ici, Olivier Coursier est allé à l'essentiel en travaillant sur des titres à la fois dépouillés, plaçant la voix souvent fragile de Zazie au premier plan, et des titres uptempo qui tapent fort.

Zazie prend de la hauteur avec "Cyclo"

C'est le cas de "Tout" et "20 ans", les deux seuls morceaux entraînants de "Cyclo". Autant dire que si vous attendiez de Zazie un album riche en tubes, vous serez déçus. Ces deux titres sont tout de même fédérateurs et abordent des thèmes chers à la chanteuse. Dans "Tout", la société de consommation est mise à mal : « On veut tout et tout de suite, pas l’alcool mais la cuite, pas l'amour le coït », quitte à zapper le bonheur. Avec "20 ans", Zazie vit pleinement sa quarantaine bien tassée, refusant d'en paraître moins, de « changer la poussière en or ». Pas de jeunisme pour la chanteuse, même si elle se penche régulièrement sur son ombre, terme récurent dans cet album.

Côté cœur, Zazie a compris qu'il fallait prendre de la hauteur. "Cyclo" s'ouvre sur l'ambiance pesante de la chanson "Les contraires", grave, et dans laquelle l'artiste ne perd pas de vue que les différences nous unissent. Sous forme d'une introspection, l'artiste pose les (bonnes) questions sur l'amour et le rapport homme/femme dans "Je ne sais pas", qui nous plonge dans un climat de tension avec ses cordes synthétiques et une voix éraillée qu'on avait découverte avec "Rodéo". « Mais qu’elles sont belles, ces femmes qui sont libres / D’aimer tel ou telle en laissant l’autre libre », chante ensuite l'artiste sur "Mademoiselle", un thème qui tranche avec les dangers qui rythment le quotidien du couple et qu'elle évoque dans "Cyclo", chef d'œuvre de cet album. Le titre s'étale sur près de six minutes, terminant en apothéose sur des nappes de synthés.

Le poids du temps qui passe

Des titres de six minutes, ce huitième effort en contient deux autres, "Vienne la nuit" et "Où allons-nous ?", témoignage de cette volonté de se détacher des codes imposés du 3:30 minutes pour laisser s'exprimer sa mélancolie. Car "Cyclo" est un album sombre, qui nous renvoie à nos propres peurs et nos propres interrogations alors que l'on croit assister à un grand déballage. La notion de temps qui passe est omniprésente, la mort aussi, mais comme le dit Zazie. « il faut se rendre à l'évidence [...] Nous sommes là de passage », rappelle-t-elle dans le "Temps plus vieux", avec une sensibilité qui termine de nous désarmer.