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samedi 30 novembre 2019 13:42

Tove Lo en interview : "J'ai toujours été assez crue dans ma façon de parler"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Nommée aux Grammy Awards et savourant le succès des titres de son nouvel album "Sunshine Kitty", Tove Lo se confie en interview sur Pure Charts. Sa vie actuelle, son image, ses paroles cash et féministes, l'ouverture d'esprit de l'industrie musicale, son duo avec Kylie Minogue... Elle dit tout !
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

J'ai lu que tu as déménagé à Los Angeles après avoir toujours vécu à Stockholm. Quel impact cela a eu sur ce nouvel album "Sunshine Kitty" ?
Je crois que ça a plus influencé ma musique que je ne voulais bien l'admettre. Mais en écoutant le disque, on se rend bien compte qu'il y a des chansons assez solaires, quelque chose de nouveau. Je pense notamment aux titres "Sweettalk My Heart", "Equally Lost" ou "Anywhere U Go". Quand je les entends, je me dis qu'on peut quasiment ressentir la présence des rayons du soleil ! (Rires)

« Ecrire en étant heureuse, ça ne m'était jamais arrivée »
Ça te pesait d'être décrite depuis tes débuts dans les médias comme "la fille la plus triste de Suède" ?
Ce qui est marrant avec cette description, c'est que je ne l'ai jamais vraiment prise comme un truc négatif. Je me suis dit qu'on me surnommait comme ça parce que j'étais tout simplement honnête dans mes chansons avec ce que je ressentais. Tu peux vivre les choses très différemment en fonction de comment tu les prends. Après, pour être honnête, j'étais dans une phase plus heureuse de ma vie quand j'ai écrit cet album, comparé aux précédents. Même si la mélancolie fera toujours partie de la musique que je fais, tu peux sentir que cet album je l'ai écrit en acceptant ce que je vivais et que j'étais heureuse d'être vulnérable parfois, au lieu d'être en colère de la situation comme c'était le cas avant.

Quels changements t'ont permise d'être dans un meilleur état d'esprit ?
C'est toujours étrange à dire mais une belle relation amoureuse. Et ça aide quand tu commences à écrire un album ! C'était intéressant pour moi d'explorer le fait d'écrire en étant heureuse, ça ne m'était jamais vraiment arrivée jusqu'ici ! (Rires) Je ne savais pas ce que ça donnerait. C'était bizarre, une nouvelle expérience ! Ça faisait cinq ans que ma carrière avait décollé, et après avoir sorti "Blue Lips", je crois que c'était la première fois où j'ai eu le temps de me poser et de me rendre compte de tout ce qui s'était passé dans ma vie, ce que j'avais vécu, et à quel point ma vie avait changé. J'ai toujours habité à Stockholm, je ne savais pas où ma vie allait et soudainement je me suis retrouvée à donner des concerts aux quatre coins du monde.

« Je voulais jouer sur le pouvoir du vagin »
D'où vient le titre de l'album, "Sunshine Kitty" ?
Je crois que c'est une combinaison de plein de choses... Et je crois que c'était le sentiment principal de l'album. Je voulais aussi jouer sur le pouvoir du vagin, car tous mes titres ont toujours intégré ça et je voulais le garder. J'ai vu cet épisode "Hello Kitty" de la série "Girls" où le personnage de Lena Dunham parle avec quelqu'un et lui montre son vagin en disant qu'il doit s'imprégner du pouvoir du soleil. La source de la vie donne du pouvoir à l'autre source de la vie. Bon, j'étais plutôt défoncée à ce moment-là ! (Rires) J'ai trouvé ça très beau. J'avais cette idée avant ça mais ça a été une confirmation quand j'ai vu cette scène.

Ecoutez "Bad as the Boys" de Tove Lo :



Et le personnage dessiné sur la pochette à tes côtés, comment c'est venu ?
Je voulais faire un truc nouveau visuellement pour cet album. J'avais le symbole de l'ère "Lady Wood" et je voulais ajouter quelque chose. Un truc animé. J'ai beaucoup parlé des lynx, qui est en quelque sorte mon animal totem. C'est venu assez naturellement d'avoir un animal d'une autre dimension à mes côtés.

Ce n'était pas pour adoucir ton image bad ass ?
(Rires) Non, je trouve que ça dit surtout : "Ne sous-estimez pas quelque chose ou quelqu'un juste parce que c'est mignon". Elle est assez bad ass, elle aussi ! Elle a traversé quelques trucs étranges. Il y a un clip où on fume de l'herbe ensemble, je l'adore ! Ce n'est pas parce que je fais de la pop et que je suis mignonne que je dois me conduire comme on l'attend.

« J'ai quand même rencontré un paquet de conn*rds »
Le fait que tu affiches ton visage pour la première fois sur une pochette d'album depuis le tout premier, c'est une coïncidence ?
Je crois que là encore j'avais envie de faire un truc que je n'avais pas trop fait jusqu'ici. Je n'ai pas montré mon visage sur les précédents albums donc là je me suis dit que ce serait cool d'avoir une photo de moi. C'est important aussi de sentir ce qui doit être sur la pochette. J'avais envie d'avoir cette petite chatte avec moi. J'ai trouvé que c'était l'image la plus forte. Et les photos aussi à l'intérieur dans le livret, elles sont à la fois jolies et perturbantes. J'aime bien l'idée !

C'est libérateur d'écrire une chanson comme "Glad He's Gone" ?
Franchement, oui ! J'ai vraiment passé des super moments en studio en l'enregistrant. C'était marrant car je me souviens qu'il neigeait pas mal à Stockholm, alors qu'il y a une atmosphère très estivale sur la chanson. Les premières phrases parlent de rupture de ma perspective, et je me suis dit : "Non, je ne suis pas en train de vivre ça donc je ne peux pas écrire ça". J'ai pensé à tous les moments où moi et mes copines on se disait : "Il est con ce mec ! Il n'y a rien qui cloche chez toi, tire-toi de là ! Tu nous manques". J'ai voulu me souvenir de ça, de rendre un petit hommage.

« Ma sexualité n'a jamais été un problème dans cette industrie »
Sur ce titre, tu listes toutes les choses que ton amie a fait pour son copain. Tu es fatiguée que les femmes veuillent toujours satisfaire les hommes ?
Oui ! Et j'évoque les clichés des demandes que font les mecs généralement. Evidemment, c'est vraiment nul de demander ce genre de trucs, croyant que c'est ce qu'il faut faire pour être la petite amie parfaite. J'ai eu envie d'être ironique, de me moquer un peu de ça. Je remarque que souvent les femmes se blâment elles-mêmes, elles se disent que tout est de leur faute quand leur histoire d'amour va mal. C'est ce que la société leur a toujours fait comprendre. C'est n'importe quoi ! Il faut qu'on se dise que ce n'est pas toujours de notre faute !

Ce qui est assez jouissif dans tes chansons c'est que les mecs en prennent pas mal pour leur grade. Tu parles de leur ego, tu surnommes un garçon "bitch", ton single se nomme "Bad As the Boys"...
(Rires) Evidemment, je ne parle pas de tous les mecs, mais d'une partie d'entre eux. J'ai plus d'amis mecs que filles d'ailleurs. J'ai des garçons incroyables autour de moi. Je crois que dans mes chansons, il y a beaucoup d'humour, et c'est une manière de montrer aussi qu'on doit être solidaires entre filles. Et puis j'ai quand même rencontré un paquet de connards jusqu'ici ! (Rires)

Sur ce titre, tu chantes cette phrase : "Big girls cry, it's alright". C'est important de le dire ?
Bien sûr. Je pleure souvent ! Pour des raisons que j'ignore, c'est vu comme une faiblesse. Ça fait vraiment du bien d'évacuer ses émotions. Tu n'es pas obligé de pleurer en public mais au moins pleure ! (Rires) Retenir ses larmes, c'est vraiment dévastateur. Il faut pleurer !

Regardez le clip "Glad He's Gone" de Tove Lo :



Tu parles ouvertement de tes petites amies dans tes chansons. C'était évident au début d'écrire aussi librement ?
Oui, je crois que j'ai fait naturellement ce que j'avais envie de faire. Je ne sais pas, ça vient de mon éducation. Ma famille était très ouverte d'esprit, mes amis aussi donc je n'ai jamais eu de mal à en parler. Je ne me suis jamais dit que ce n'était pas normal ou que ce n'était pas bien. J'ai toujours mes journaux intimes que j'écrivais de mes 9 à mes 23 ans, et c'est à partir de là que j'ai écrit des chansons, en m'inspirant de tout ça. Mes confidences se sont transformées en paroles. Quand je lis toutes ces histoires et ces gens avec qui j'ai eu des relations, dont je suis tombée amoureuse ou sur qui j'ai craqué durant mon adolescence, tout est très détaillé : les conversations, les appels, les rendez-vous. "Bad As The Boys" ça sonne comme une chanson de rupture assez adolescente qu'on voit dans les films. Je n'avais pas repensé à ça depuis tellement longtemps. Je ne me suis jamais dit : "Est-ce que je dois modifier pour que ce soit un garçon pour que ce soit plus accessible ?".

« J'ai toujours été assez crue dans ma façon de parler »
Et dans l'industrie, ça n'a jamais été un obstacle ?
Ça a été assez facile. Parfois, je me demande s'ils sont aussi ouverts désormais, et si "Bad As The Boys" a pu être un single, parce que c'est un sujet tendance aujourd'hui. Mais je n'ai pas envie de me poser trop de questions. Peu importe, plus on parle, plus ça donne de la visibilité à la cause, plus ça devient la norme. C'est ça qui est important. Il faudrait que ce ne soit plus un sujet. Mais je n'ai jamais senti que ma sexualité pouvait être problématique dans cette industrie. A aucun moment. Je me suis toujours sentie soutenue.

Dans "Glad He's Gone", j'adore la phrase "Only one dick that's a bummer" ("Une seule b*te, quelle déception"). Tu n'hésites jamais à mettre des mots comme "dick", "shit" ou "bitch" dans tes chansons ?
(Elle éclate de rire) Je sais que les radios détestent ça ! Il doit y avoir quatre versions de cette chanson, avec des passages édités où on remplace "b*te" par "amour". J'aime bien aussi, je trouve ça mignon quelque part. (Rires) Même si ça change le sens de ce que je veux dire. J'ai toujours été assez crue dans ma façon de parler, c'est ce que je suis. Je n'ai jamais voulu éditer mes chansons et cinq ans après m'être battu des centaines de fois sur cette question, j'ai accepté le fait que les radios diffusent mes titres avec des mots plus sages. Je me dis que quand les gens voudront les écouter ailleurs, sur album ou les plateformes, ils auront la vraie version. Et ils vont sans doute être un peu choqués ! (Rires)

Sur ce nouvel album, il y a des sons différents de ce que tu as pu faire jusqu'ici comme sur "Jacques" ou "Are U Gonna Tell Her ?" et son influence de funk brésilienne...
J'ai eu envie de tester des choses différentes pour cet album, bien sûr. Pour "Are U Gonna Tell Her ?", il se trouve que je suis enfin allée faire des concerts au Brésil et j'ai découvert que j'ai des fans hyper impliqués là-bas. J'ai eu envie de leur faire ce clin d'oeil. Vraiment, je n'avais jamais vécu de concerts comme ça, c'était incroyablement fou. Et un soir, je suis allée à une soirée, j'ai entendu une chanson géniale d'un artiste brésilien qui fait de la funk donc j'ai filmé avec mon téléphone et j'ai envoyé la vidéo à mon producteur. Il s'est plongé dans l'univers et il a fait ce beat. J'adore ce qu'a fait MC Zaac dessus !

Ecoutez le duo entre Tove Lo et Kylie Minogue :



Et le duo avec Kylie Minogue, "Really Don't Like U", c'était un rêve ?
Oh oui ! Quand j'ai sorti "Lady Wood" en 2016, j'ai publié sur Twitter une photo de moi qui tenait mon cahier dans lequel j'écrivais mes chansons, et Kylie a répondu à cette publication en disant : "Super, c'est une de ces filles qui aime écrire avec un stylo !". Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer. Je me suis dit : "Oh mon Dieu, elle sait qui je suis !". (Rires) Je lui ai répondu que j'étais une grande fan, j'ai fait une capture de son tweet, je la garde précieusement. Deux ans plus tard, on a chanté au même gala de charité à Hong-Kong, j'ai demandé si je pouvais la rencontrer, ça s'est fait, on a discuté, elle a été charmante, vraiment adorable. Elle m'a dit que ce serait cool de faire de la musique toutes les deux un de ces quatre. Je me suis dit intérieurement : "Oh la la, c'est toi qui l'as dit, donc oui on va le faire !". (Rires)

Et c'est arrivé !
Oui, j'ai gardé ce truc dans un coin de ma tête. Mais je me suis dit que le jour où j'aurais une chanson qui nous irait à toutes les deux, je lui proposerais bien qu'on écrive ensemble. Mais je savais que ce serait compliqué car on n'habite pas dans la même ville et on voyage tout le temps l'une et l'autre. Quand j'ai écrit "Really Don't Like U", j'entendais qu'une autre voix pourrait se poser dessus, et comme le titre sonne comme un tube triste, je me suis dit que ça lui irait bien. Je lui ai envoyé la chanson, elle a tout de suite eu envie d'ajouter sa partie et elle a transporté le titre dans son univers très Kylie. Je l'adore !

Vous ne vous êtes pas rencontrées pour enregistrer cette chanson ?
Non, ça n'a pas été possible. On ne s'est rencontrées qu'une seule fois. Et quel moment ! Je suis allée voir son concert au festival Glastonbury, et j'ai voulu la voir après mais le temps que j'arrive dans les espaces réservés aux artistes, elle était déjà partie. J'espère qu'on se reverra bientôt !

« Il y a de plus en plus de femmes dans l'industrie, et c'est génial »
Tu as commencé à écrire des chansons en 2006. Plus de dix ans après, avec le streaming, qu'est-ce qui a changé pour toi en tant qu'auteure ?
Arf oui, le fameux algorithme. Ça me rend folle, mais oui ça existe ! Quand j'écris, je me dis simplement que la chanson doit établir une connexion avec les gens. Alors peut-être que ça va me proposer à une plus petite audience, mais cette audience sera sans doute plus "engagée", qui m'écoutera plusieurs fois et ira découvrir mes autres chansons. Plutôt que d'être exposée à des millions... En fait, si tu commences à résonner comme ça, ça va être dur de faire quelque chose que tu aimes, qui te plaira. Et c'est la chose principale pour moi, que ça me parle.

C'est comment d'être une femme dans l'industrie ? Les choses sont en train de changer ?
Je crois qu'il y a vraiment du mieux, grâce au mouvement Me Too. Après, je parle en fonction de mon expérience. Evidemment, l'industrie reste dominée par des hommes mais j'ai l'impression que les choses changent, qu'il y a de plus en plus de femmes. Et ça c'est réjouissant. Et je sens un meilleur niveau de bienveillance et de respect de la part d'hommes qui auraient sans doute agi différemment il y a quelques années. Je sens une différence oui... Mais après, est-ce que c'est parce que les gens ont peur de moi ? (Rires) En tout cas, ce qui est sûr, c'est que les artistes féminines se soutiennent beaucoup plus aujourd'hui. Et c'est génial. Je ne sens pas de compétition ou de haine. On collabore ensemble plus qu'avant, on partage la musique les unes des autres.

Quand je te parle, que j'écoute tes chansons et regarde tes clips, je ressens beaucoup de liberté. Est-ce que tout ce que tu fais, tu le fais aussi pour les femmes, et la nouvelle génération d'artistes féminines qui arrive ?
Je le fais, assez égoïstement, pour moi d'abord. Mais ça me fait vraiment plaisir quand on me dit, que ce soit des fans ou des artistes, que je peux être un exemple, que je montre que l'on peut être qui on veut être. Je démontre qu'on n'a pas à devenir une autre version de soi-même. J'aime ça. Donc oui pour répondre à ta question, je le fais pour moi et pour les autres.

Regardez le clip de "Sweettalk my Heart" par Tove Lo :
Toute l'actualité de Tove Lo sur son site internet et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Sunshine Kitty" de Tove Lo.

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