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dimanche 28 avril 2019 11:54

Les Cranberries en interview : "Dolores serait aussi fière que nous de cet album"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Les Cranberries livrent cette semaine leur dernier album "In The End", suite à la disparition de Dolores O'Riordan en janvier 2018. Mike Hogan, Noel Hogan et Fergal Lawler racontent à Pure Charts comment l'album a été fabriqué avant la mort de leur amie, pourquoi ils ont décidé de le sortir et se souviennent des moments forts.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Quand avez-vous commencé à travailler sur ce nouvel album "In The End" ?
Je crois que l'écriture a commencé en 2017 et on a repris en avril l'an dernier. Une fois qu'on a eu les démos et qu'on s'est dit qu'on allait le faire, on voulait vraiment bien le faire, mais ça a été assez rapide finalement. Je crois que ça nous a pris trois semaines. Une fois qu'on avait fini, Stephen (Street, ndlr) l'a mixé de son côté, et il nous tenait au courant de l'avancée en nous envoyant les sons tous les jours. On a passé une bonne partie de 2018 à savoir ce qu'on allait faire, à travailler sur la pochette ou les vidéos, et à organiser tout ça.

« Dolores avait réussi à résoudre ses problèmes »
Dans quel état d'esprit était Dolores durant ces sessions de travail ?
Elle allait super bien. C'est sans doute ça qui a été le plus dur. Pendant plusieurs années, elle n'allait pas bien, là enfin elle allait mieux et le pire est arrivé... Ça a rendu les choses encore plus amères. Mais oui, elle avait réussi à résoudre ses problèmes, elle en parlait beaucoup et librement. Elle était parvenue à se sentir plus à l'aise avec tout ça, elle vivait à New York, elle profitait de la vie. C'est là qu'elle a écrit cet album, elle était hyper enthousiaste quand elle écrivait. C'est aussi pour ça que l'album parle beaucoup de la fin des choses. Elle faisait référence à la fin de cette période compliquée pour elle. C'était une nouvelle ère pour elle. Ça faisait vraiment plaisir de la voir comme ça, elle était bien, elle regardait vers l'avenir.

La mort de Dolores O'Riordan a été un véritable choc. Personne ne s'attendait à ça...
Oui... Et quand on entend toutes les rumeurs, ce qui a été dit, je vous l'assure, ce n'est pas vrai. Quand on voit comment on la décrit parfois, ce n'était pas la personne avec qui on discutait au téléphone juste avant le drame. On ne peut pas expliquer à quel point on a été dévasté par cette nouvelle.

« On a vraiment réalisé qu'on avait un album très fort »
Après la mort de Dolores, vous aviez donc les démos qu'elle avait enregistrées. Vous saviez ce que vous alliez en faire à ce moment-là ?
On n'était vraiment pas sûrs. Les démos étaient là mais on s'est dit que si on en faisait quelque chose, ce serait peut-être un EP. Mais en les écoutant attentivement, on a réalisé qu'il y avait assez de matière pour un album. En premier lieu, on a échangé avec sa famille pour savoir ce qu'ils en pensaient. Ils étaient d'accord.

C'était important pour vous d'avoir leur autorisation...
Bien sûr.

Quand on écoute l'album, on ne se rend pas compte que ce sont des démos, on a l'impression que tout s'est déroulé comme d'habitude.
Quand on a écouté les démos, quelques semaines après sa disparition, on a été bluffé par la qualité des enregistrements. La voix était incroyable. On a tout de suite contacté Stephen pour avoir son avis et il nous a confirmé que c'était vraiment du bon travail et qu'on devrait aller en studio pour finir ce qu'on avait commencé, porté par l'émotion qui était évidemment très forte. Si on avait attendu encore un an, je crois que le ressenti n'aurait pas été le même, vous comprenez ?

Ecoutez "In the End", le dernier morceau des Cranberries :



Bien sûr... Est-ce que, même avec l'aval de la famille de Dolores, vous avez hésité à finir cet album et à le sortir ?
Quand on a repris le travail sur l'album, on a laissé passer le week-end. On fait souvent ça. Comme ça, on écoute le lundi, à tête reposée, ce qu'on a fait la semaine précédente. On a tout de suite été surpris par la qualité des chansons, du résultat que ça devenait. Il se passait quelque chose. Comme si quelque chose irradiait. Ça a surpassé toutes nos attentes. Là, on a vraiment réalisé qu'on avait un album très fort. Ça nous a encouragé à continuer. Si on avait senti que quelque chose clochait, que ça se sonnait pas bien, sincèrement nous aurions tout arrêter à ce moment-là. On avait averti tout le monde de toute façon : la maison de disques, Stephen... Finalement, tout s'est passé naturellement, sans encombre.

« Les premiers jours étaient vraiment difficiles »
Comment ça se passait concrètement en studio tous les trois ?
Les premiers jours étaient vraiment difficiles. Mais quand on a commencé à se focaliser sur le travail... En fait, on a eu la sensation d'enregistrer comme avant. Pour les précédents albums, Dolores venait en studio pour faire 3-4 prises, elle n'aimait pas chanter encore et encore car elle voulait garder intacte la passion. Ensuite, elle partait un jour ou deux. Nous, on se concentrait et on faisait notre partie pendant ce temps-là. Et elle revenait. C'est un peu comme si elle était encore là...

En studio, vous pensiez quand même parfois : "Et ça, est-ce qu'elle aurait aimé ? Ça peut-être qu'elle n'aurait pas dit oui ?". Ça n'a pas du tout dû être évident pour vous...
Franchement, on a évité de réfléchir comme ça, même si c'est dans la nature humaine de se poser ce genre de questions. "Qu'est-ce qu'elle aurait pensé de ça ?". Mais il faut aller au-delà et croire en votre instinct. C'est ce qui est génial aussi dans le fait d'avoir été ensemble depuis tout ce temps, on se connait quasiment par coeur. Même musicalement, quand vous jouez quelque chose, vous n'avez pas besoin de regarder les autres pour savoir ce qu'ils en pensent, vous le savez. C'est ce qui a fait aussi le succès des Cranberries. On ne saura jamais ce qu'elle nous aurait dit mais je crois qu'elle serait aussi fière que nous de ce que nous avons fait sur cet album. On a vraiment apporté un soin particulier sur sa voix. Quand on avait un seul doute, on n'utilisait pas la piste. Car il y a certaines parties vocales que nous n'avons pas utilisées, car elle aurait été furieuse qu'on le fasse ! (Rires) On a mis certaines choses de côté et personne ne les entendra jamais. Je pense qu'elle aurait été vraiment satisfaite des 11 chansons finales.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué en studio en finissant l'album ?
Parfois, Stephen isolait la voix de Dolores et il jouait juste ça. Il n'y avait que sa voix qui résonnait, et nous on était là. On en avait des frissons dans tout le corps. Souvent, en plein travail, on pouvait quasiment entendre sa voix nous parler ou nous dire d'essayer ceci ou cela. C'était vraiment très étrange.

Découvrez "All Over Now" des Cranberries :



Maintenant que l'album est fini, est-ce qu'il est difficile pour vous de l'écouter aujourd'hui ?
Non, parfois on l'écoute. Il n'évoque pas de la douleur pour nous. On peut le ranger pendant quelques temps mais on y revient toujours.

« On pense à elle tout le temps »
Vous avez regardé un peu les messages des fans sur les réseaux sociaux ?
Oui, ils sont à la fois contents et tristes, car c'est le dernier. Ils ressentent les mêmes choses que nous tous, en fait.

Est-ce que vous ressentez souvent la présence de Dolores, même là en pleine promo de l'album ?
On pense à elle tout le temps. C'est encore frais. Ça ne fait qu'un an qu'elle nous a quittés. Ce serait bizarre de ne pas penser à elle... On a grandi ensemble, on a passé tellement de temps ensemble. On était des gosses ! Elle est là avec nous. Elle avait une si grande personnalité.

J'aime beaucoup l'album. On y retrouve vraiment l'essence des Cranberries avec beaucoup de nostalgie vu le contexte. Au fil des albums, il a été facile de vous renouveler encore et encore ?
Merci beaucoup. Je ne sais pas vraiment, on ne pensait pas forcément ça. On a beaucoup travaillé. En fait, chaque album reflète comment on se sentait à ce moment-là précis. Chaque disque représente une période de nos vies. On se rappelle plein de choses quand on les écoute. S'il avait fallu faire exactement ce qu'on attendait de nous, ça aurait été dur mentalement pour nous. Ce qui nous importait surtout c'était de nous amuser, de prendre du plaisir en faisant ce qu'on aimait : de la musique. Il ne faut pas oublier qu'à l'origine c'était une passion, qui est devenue un truc énorme. On adorait écrire, enregistrer et faire une tournée. Oui, parfois c'était épuisant donc on prenait du recul, mais on savait forcément qu'on allait se retrouver.

« On n'a pas de matière pour faire un autre album »
Vous pensez que "In the End" est l'un de vos meilleurs albums ?
Oui, sincèrement. Il revient au son de nos anciens albums. On adore la voix de Dolores sur ce disque. Elle a quelque chose de très doux, une certaine innocence, qu'elle n'avait pas eu depuis des années.

C'est officiellement la fin des Cranberries ?
Oui. Après, il y aura toujours des choses car on a quand même un énorme catalogue. Mais c'est impossible de faire de nouvelles chansons désormais. Notre plus grand regret actuellement, c'est qu'on ne jouera jamais ses chansons en live.

Vous m'avez dit qu'il y a des parties vocales de Dolores que vous n'avez pas utilisées. Reste-t-il quelque part des chansons inédites des Cranberries ?
Non. Il n'y a rien. Quand on disait ça, c'est des parties de refrains, des choses comme ça. Mais on a jeté ce qui n'allait pas. Récupérer ce genre de trucs, ce n'est pas bien. On n'a pas de matière pour faire un autre album.

Ecoutez "Wake Me When It's Over" des Cranberries :



Quel est votre meilleur souvenir ?
On en parle beaucoup entre nous ces jours-ci car on y repense pas mal mais ce sont nos débuts, quand personne ne savait qui on était. Ce n'était peut-être pas aussi génial que le souvenir qu'on en a aujourd'hui, mais on sillonnait les routes dans un van, tous les quatre, quelques amis nous filaient un coup de main. On dormait par terre chez ceux qui nous hébergeaient. On essayait de se faire un nom, de faire quelque chose avec ce groupe. C'était génial. On se dit que c'était beaucoup moins compliqué à cette époque-là, on faisait notre truc et on rentrait chez nous, c'était notre petit truc à nous. On s'est beaucoup amusé. Après, il y a eu plus de monde impliqué, c'est devenu un business.

« Cette année a été longue et éprouvante »
De quoi êtes-vous le plus fiers ?
Les chansons. C'est pour ça qu'on a fait de la musique. Après la mort de Dolores, avec tous les messages qu'on a reçus, on a vraiment réalisé l'impact que nos chansons avaient eu sur les gens. "Dreams", "Linger", "Ode to my Family", "Zombie"... C'est incroyable. On a réalisé la carrière qu'on avait accomplie. Parfois, on les entend à la radio et on se dit : "Ah oui, c'était bien quand même".

Quels sont vos projets désormais ?
Continuer à faire de la musique sans doute. Ces derniers mois, on se disait que la ligne d'arrivée allait vite arriver. Mais premièrement, on va se reposer car cette année a été longue et éprouvante, émotionnellement mais aussi physiquement. Quand tout va s'arrêter, on va se rendre compte à quel point on est vraiment fatigué. D'ailleurs, la maison de disques veut étendre la promotion ! (Rires)

C'est difficile de penser au futur sans Dolores ?
Ce sera vraiment étrange. Surtout dans un an ou deux, quand on se sera reposé, comme on l'a toujours fait, et qu'on ira voir un concert. On aura envie de repartir, mais elle ne sera plus là... On ne pourra plus aller voir de concert car on sera trop jaloux ! (Rires)

Que voulez-vous dire comme mot de la fin à vos fans français ?
Simplement merci beaucoup pour votre soutien. Vous avez été incroyables. Vous allez vraiment nous manquer. D'autant que, si parfois dans certains pays le succès pouvait varier, en France, l'accueil a toujours été puissant. Je crois que la dernière fois qu'on est venu on a fait comme 15 concerts. C'était fantastique !
Pour en savoir plus, visitez www.cranberries.com
Écoutez et/ou téléchargez les albums de Cranberries sur Pure Charts.

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