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dimanche 01 août 2021 10:35

Aziz Baki, chorégraphe de Mylène Farmer, en interview : "Mylène, c'est l'icône" (partie 1)

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Chorégraphe et danseur, Aziz Baki a mis son talent au profit des plus grandes cérémonies, assuré la direction artistique de "The Voice", travaillé sur l'Eurovision et accompagné les plus grands, de M. Pokora à Rihanna en passant par Kendrick Lamar et surtout Mylène Farmer. En interview exclusive sur Pure Charts, il raconte son parcours, les coulisses de ses projets avec l'icône et son lien avec la chanteuse française. Première partie d'un entretien passionnant.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment tu as commencé la danse ?
J'étais fan de hip-hop à l'origine, quand c'est arrivé en France. C'était le gros truc ! D'ailleurs, ce n'était pas très bien vu par certains. Mais à l'origine, j'étais surtout passionné de basketball. A 14 ans, je me suis fait repérer par deux gros centres de formation, mais c'était compliqué il y a vingt ans de ça. Mes parents étaient un peu flippés, donc c'était non ! Mon rêve ultime c'était d'intégrer la NBA. Ensuite, il se trouve que mon cousin Zoher est un des pionniers du hip-hop en France, en house dance, un des styles du hip-hop. Il dansait tout le temps et, à chaque dîner de famille, il voulait que je vienne danser avec lui mais ce n'était pas trop mon truc. Mais, une fois, je suis allé voir un spectacle de danse d'un groupe international de hip-hop. C'était un show à thèmes, ils diffusaient des beaux messages : l'égalité hommes-femmes, lutter contre le racisme, les méfaits de la drogue... Ça m'a mis une grosse claque.

« C'est en club que je me suis perfectionné »
Ça a été une révélation ?
Oui, et j'ai eu envie de tester. En voyant ça, je me suis dit qu'il n'y avait pas que la danse, qu'on pouvait aussi véhiculer d'autres choses. Alors j'ai commencé à m'y mettre, à m'entraîner un peu partout, notamment aux Halles. La base ! (Rires) Je fais partie des anciens. Aujourd'hui il y a un espace dédié au hip-hop, avant on se mettait Place carrée et on se faisait courser par les vigiles ! (Rires) J'ai aussi eu la culture club, donc on a souvent été en soirée pour danser le week-end car j'étais en cours la semaine. Il y avait le Rex Club, les Bains Douches, le mercredi soir on allait au Queen avec les soirées Respect, où les gays et hétéros étaient mélangés, ça dansait dans tous les sens, il y avait des battles à l'improviste. J'ai saigné le bitume là-bas. C'est là que je me suis perfectionné, j'ai trouvé mon propre style. Il y avait beaucoup plus de recherche dans les mouvements car c'était beaucoup moins accessible qu'aujourd'hui. Il n'y avait pas de plateforme !

Alors comment c'est devenu ton métier ?
Mes parents étaient frileux. J'avais 19 ans ! Mais ma mère m'a pris à part et m'a conseillé de finir mes études et de trouver une école de danse, un truc encadré, pour rassurer mon père. Je me suis renseigné auprès de mes potes, et il y en a deux qui ont fait l'AID (Académie Internationale de Danse). Yaman Okur, qui a dansé pour Madonna, et Tip Top, m'ont dit que c'était super et que ça ouvrait à d'autres styles de danse : le classique, le modern jazz, le contemporain... C'était très loin du hip hop ! Le matin quand tu es en collant et que tu fais ta barre au sol... C'est "Fame" ! (Rires) Ma petite nièce a été prise dans cette même école d'ailleurs. A l'époque, l'école cherchait justement des danseurs hip-hop, et il y avait deux auditions pour des spectacles : "Roméo et Juliette" et "Les Dix Commandements", que je voulais vraiment faire. Sauf que Kamel Ouali avait finalement trouvé tous ses danseurs... J'ai été pris à "Roméo et Juliette" mais je n'avais pas fini mes examens, il aurait fallu que j'arrête tout. Donc mes parents n'ont pas voulu, ça ne s'est pas fait. C'était la déception de ma vie.

« Je me suis fissuré le ménisque mais j'ai passé une audition »
Tout aurait pu s'arrêter là !
Comme tu dis, car ensuite je me suis blessé lors d'un gros show hip-hop, je me suis fissuré le ménisque. Comme par hasard, l'école m'appelle à ce moment-là car Kamel Ouali cherchait deux nouveaux danseurs pour "Les Dix Commandements". J'ai quand même passé l'audition, avec cinq genouillères avec les lattes et les amortis comme au volleyball. En plus, Kamel nous a fait venir cinq fois pour être sûr de son choix. Au fur et à mesure des jours, je souffrais de plus en plus, je pensais que mon genou se déboitait. Je pleurais dans les toilettes, mais je n'ai pas lâché l'affaire. J'ai été sélectionné mais j'ai été honnête et je leur ai dit. Heureusement, Kamel Ouali m'a laissé ma chance en me disant : "Fais-toi opérer et reviens en forme". Et c'était parti ! Soussou Nikita m'a pris sous son aile pendant les répétitions, elle m'a énormément formé, elle m'a fait découvrir une autre vision de la danse. Elle a vraiment marqué mon parcours.




Mais, à l'origine, un spectacle comme "Les Dix Commandements", ce n'était pas ta formation hip-hop. C'était quoi ton désir ? Danser pour des gros shows, des artistes ?
Non, même pas. Je ne me disais pas : "Je veux faire des concerts, je veux danser pour Michael Jackson ou Justin Timberlake". Je kiffais juste danser ! Le groupe que j'avais vu la première fois, on en avait monté un similaire en France, Diversity Dance Workshop, quand j'avais 17 ans. Tous les étés, on louait un camion et on se baladait en France pour faire des street shows avec des danses à thèmes. Le déclic, je m'en rappellerai toujours, c'était à Grenoble. Après un show, un SDF est venu me voir. Il était Algérien comme moi. Il m'a dit : « Je n'ai rien mais ce que vous m'avez donné, c'est plus que ce j'attendais. En plus de ça, tu es de mon pays, ça me touche encore plus ». Il a pleuré dans mes bras et m'a dit "merci". Là, j'ai réalisé que c'était ça que je voulais faire : danser, donner de l'émotion, faire passer des messages.

« Je me dis toujours qu'il y a un mec dont c'est la sortie de l'année »
Tu as découvert à ce moment-là ce que tu pouvais procurer au public ?
Oui... Je le rappelle toujours quand je donne des stages ou des cours. Et même quand je danse, par exemple "Les Dix Commandements", je l'ai fait 390 fois à peu près le show, et il n'y a pas eu une seule fois où j'ai fait mes mouvements à moitié. Je me dis toujours que dans la salle, il y a peut-être un mec comme ce monsieur-là, qui n'a pas d'argent, qui a économisé et que c'est sa sortie de l'année. Même s'il est tout au fond, j'ai envie qu'il puisse me voir danser et qu'il se souvienne du spectacle, que ça reste gravé. Sur les shows de Mylène Farmer, tu peux demander à mes danseurs, je suis une vraie machine derrière en train de me préparer. Je saute dans tous les sens, je suis survolté. Le moment où on est rentré sur "Rolling Stone" (dans le spectacle 2019, ndlr), quand l'écran se lève, qu'on avance et qu'on se pose, tu ne peux pas imaginer l'adrénaline que ça te fait. Au fin fond de la Défense Arena, il faut que la personne tout là-bas voit ce qu'on fait ! On a la chance de faire un métier de passion, on le fait pour nous mais aussi pour les gens, il faut donner.

Qu'est-ce que tu as ressenti la première fois que tu es entré sur scène avec "Les Dix Commandements" ?
C'est la même excitation, l'adrénaline. Tu as ce stress mais qui se transforme... J'avais une entrée du plafond en rappel, de sept mètres de haut. Kamel n'y avait pas été de main morte ! (Rires) Là où j'étais fier d'avoir cru en mes rêves et de m'être battu pour ça, c'est qu'à la première représentation presse, mes parents sont venus me voir. Ma mère elle avait Line Renaud à sa droite, mon père était assis à côté de Richard Anconina, il y avait Johnny Hallyday... Quand tu vois les yeux de tes parents qui brillent, là tu te dis que c'est cool.



« J'ai passé des castings pour Madonna et Janet Jackson »
Et ensuite, il se passe quoi pour toi ? Comment on transforme ça ?
Après ça, je suis allé à Londres, j'avais l'impression d'avoir fait le tour en France. J'ai quand même fait deux gros castings aux Etats-Unis pour Janet Jackson, où je suis arrivé dans les 20 derniers, et Madonna, où je suis arrivé dans les dix derniers mais elle n'en prenait que huit. Il y a de la fierté mais forcément tu as ce petit truc... Les chorégraphes m'ont appelé ensuite pour danser dans le film "Street Dance 2". Je suis resté 3 ans à Londres, où j'ai recommencé de zéro. J'ai rencontré la chorégraphe et directrice artistique Kate Price, j'ai donné des cours et j'ai été repéré pour entrer dans des agences. Ça a été super vite, j'ai assisté les gros chorégraphes américains pour des cérémonies, des tournées... J'ai assisté Fatima Robinson (Michael Jackson, Mary J Blige, ndlr) ou Hi-Hat (Missy Elliott, Rihanna, ndlr). Quand j'étais petit, je la voyais dans les clips ! J'ai assisté Hi-Hat sur les BRIT Awards pour la performance de Rihanna, j'ai dansé pour les Black Eyed Peas et Alicia Keys, j'ai été assistant-chorégraphe pour Cheryl Cole...

Danser pour des stars internationales, c'était un accomplissement ?
Oui, c'est LE truc, surtout pour le gros fan de hip-hop et de R&B que je suis ! Tu te dis que ça y est tu as touché à ces gens-là, ils ont été touchés par toi et ils ont accepté que tu danses pour eux, ils te font confiance. Et ton talent commence à être reconnu...

« Et là, on nous annonce que c'est pour Mylène Farmer »
Pour Mylène, tout commence pour toi avec le clip "Du temps", en 2012. Comment tu es arrivé dessus ?
Même moi, je ne sais pas trop comment ça a pu se faire... En fait, Mylène cherchait des danseurs, elle voulait quelque chose d'actuel. J'avais croisé quelques fois Laurent Côme, un ancien chorégraphe, qui était en lien avec Christophe Danchaud, l'ancien chorégraphe de Mylène. Et je ne sais pas pourquoi mais il a donné mon nom ainsi que celui de quelques potes. Elle a vu mes photos et vidéos, et la production m'a appelé. Mais on ne m'a pas dit pour qui c'était, juste que c'était un gros projet. Quand on arrive sur la première répétition, on nous annonce que c'est pour Mylène Farmer, on était tous hyper contents. Dès la première fois, tout s'est bien passé, on venait du hip-hop, on était cool. Après, quand tu ne connais pas la personne, tu mets du temps à être toi-même mais après ça se fait tout seul.



Avoir bossé avec de grosses stars internationales, ça te permet de ne pas te mettre trop de pression, j'imagine ?
Quand je suis sur un projet, l'artiste c'est mon boss, c'est son image. Après, je suis artiste aussi, j'ai mes visions et je peux être borné parfois, mais il faut trouver le meilleur mood pour sublimer l'univers de l'artiste. Mon éducation fait que mes parents m'ont appris qu'on est tous des êtres humains, qu'on est tous pareils avec des capacités différentes, des talents différents. C'est en étant dans le partage que les choses se passent. Quand j'arrive face à Rihanna ou les Black Eyed Peas, je suis hyper naturel, je n'ai pas forcément de pression, je me dis qu'ils sont comme moi. Je les traite comme des gens normaux, et je pense que les artistes apprécient ça. C'est là que tu vas obtenir le meilleur de l'artiste et de tes danseurs.

« Mylène, c'est l'icône française et au-delà »
Quand tu arrives la première fois et que tu comprends que vas danser pour Mylène Farmer, tu dois être impressionné, non ?
Mylène, c'est l'icône française et au-delà. C'est une méga star en Russie aussi. En 2013, quand on est allé là-bas, on a halluciné de l'ampleur ! Elle est célèbre dans quelques pays d'Asie, au Canada... Et elle connaît Madonna, elle est sur le même level. Et elle a connu Michael Jackson. C'est fou ! Et puis tu arrives quand même sur la plus grosse artiste en France ! C'est la fierté. Ce qui est drôle c'est que, quand j'étais petit, mon père changeait de chaîne quand il y avait un clip de Mylène Farmer car c'était olé olé ! (Rires) J'en ai reparlé avec mes parents et aujourd'hui ils vont aux concerts !

Ils doivent être hyper fiers !
Ils me le disent un peu plus maintenant. Mon papa a toujours été un peu plus réservé mais il a dit qu'il était fier de nous, mon frère, ma soeur, qui a son salon de coiffure dans le sud, et moi. Ils commencent à être affutés, ils parlent de tableaux, ils comparent, ils me parlent de la mise en scène... (Rires)

Retrouvez la deuxième partie de notre interview avec Aziz Baki sur son travail avec Mylène Farmer, en cliquant ici !


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