Crédits photo : (c) Benjamin Decoin
Propos recueillis par Matthieu Renard.

Dans la deuxième partie de l'interview, à paraître mercredi, Hélène évoquera le business des albums de reprises, la réhabilitation des icônes populaires comme Johnny Hallyday et Céline Dion, le marché du disque et... le film "Mommy" de Xavier Dolan.

Bonjour Hélène, comment vas-tu ? Dans quel état d'esprit es-tu juste avant de sortir cet album ?
Ça va bien merci. Je suis dans un état d'esprit positif, énergique et heureux.

Dans "Tout commence aujourd'hui" il y a cette phrase : "fermer ce vieux livre pesant, effacer ce qu'il y a dedans". Comment on fait ça ?
Quand on le décide... Tu le sais, parce que je vais beaucoup sur Pure Charts, je regarde ce qui est écrit, je regarde ce qui est commenté. Il faut qu'on sache que j'aime énormément aller de l'avant et je n'ai jamais été dans la complainte. Je le dis en début d'interview. Je ne vais pas parler que de ça car j'ai choisi de ne jamais me plaindre. J'ai très peu communiqué sur tout ça en 18 mois. C'était un choix de ma part. Je ne voulais pas être considérée comme une victime ou être prise en empathie. Je voulais me battre c'est tout. Parfois, la façon dont les choses sont reprises est mal interprétée par les gens. Même si c'est repris gentiment. C'est toujours repris partout à la fois. Il n'y a pas que vous qui reprenez des infos je le sais. Par exemple j'ai donné une interview dans l'ascenseur sur l'implant [pour yahoo.fr, ndlr]. Je ne m'exprime qu'une seule fois. Et comme ça sort partout à la fois, les gens ont l'impression que je passe mon temps à me plaindre. C'est pas mon état d'esprit, je ne suis pas comme ça.

Mais c'est délicat, du coup. Tu as eu envie de ne plus rien faire du tout ?
Non, cet album c'est la preuve que l'on peut surmonter une épreuve et garder le sourire. J'ai voulu dire aux gens que la force mentale, l'envie de s'en sortir donne des ailes. Ça ne veut pas dire que je suis Robocop mais que mon mental est une force et que ça change le regard qu'on a. Je ne me suis jamais plainte. Je bossais comme une folle, je souffrais. Et je n'ai jamais rien dit à personne. Donc j'ai pas envie qu'on ne se focalise que là-dessus. En tout et pour tout je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j'ai accepté d'en parler. Je vais te donner un exemple. Cet été, j'ai disparu pas mal de temps. J'ai arrêté de défendre l'album de Dassin et j'ai disparu de longs mois. Je suis partie me cacher. Je me cachais, c'est la vérité. La seule fois où je suis apparue, c'était pour une mission humanitaire que j'ai faite. Et j'étais encore très transformée physiquement. Et là j'ai tout entendu. Tout est interprété. Je fais un duo avec Il Divo... "Ah, elle va mieux". Tout est repris sur tous les sites. Je le dis une bonne fois pour toute. Je n'en parle pas, je ne me complais pas là dedans. J'ai envie de passer un message d'énergie et d'amour. C'est pour ça que je fais mon métier.

Regardez le clip "Tout commence aujourd'hui" de Hélène Segara


Mais ta devise c'est plutôt "Tout commence aujourd'hui" ou "On n'oublie jamais rien on vit avec" ?
C'est chouette comme parallèle ! Il ne faut pas oublier ce qui nous a fait évoluer. Parfois certains imbéciles oublient ce qui s'est passé et l'histoire se répète. Comme le nazisme par exemple. On a le devoir de mémoire. Je ne suis pas dans la rancune.

C'est ce qu'on entend dans "Je te pardonne"...
Oui c'est la dernière piste de l'album. Je voulais exprimer qu'on ne peut pas se reconstruire si on des rancœurs. Il faut se construire sur du neuf. Le message de cette chanson c'est ça.

Tu as l'air très sereine !
Le plus gros problème humain, c'est que les gens ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont. Prenez le bus, l'avion et allez voir comment des gens vivent avec rien. Là, vous allez apprendre à relativiser. Allez dans les hôpitaux pour voir comment des parents se battent pour leur enfant qui est malade. Comment des enfants se battent pour s'en sortir, comment des personnes en fin de vie sont dans la solitude. Et quand vous rentrez chez vous, relativisez quand vos enfants sont en bonne santé, que vous vous en sortez pas si mal, que vous avez un toit sur votre tête, que vous avez de quoi manger. Ça pour moi c'est un bonheur quotidien donc je ne peux pas m'apitoyer et je ne peux pas me dire que je ne suis pas sereine. J'ai de la chance.

Tu n'as pas peur qu'on trouve ton discours un peu "naïf" ?
Je ne dis pas que je suis une Barbie qui vit dans un château de princesse. Je vais faire les courses comme tout le monde. J'ai pas des goûts de luxe ou la folie des grandeurs. Il faut que les gens arrêtent de croire que la musique fait gagner des milliards. C'est plus le cas aujourd'hui, à part certains artistes exceptionnels. Je ne fais pas de business avec ma musique. Il y a beaucoup de choses que j'accepte de faire bénévolement dans mon métier. Dernièrement j'ai prêté ma voix pour un documentaire et j'ai pas voulu être payée parce que c'était un projet qui me tenait à cœur. Parfois on doit faire une balance entre ce qu'on reçoit et ce qu'on donne. Mais il ne faut pas oublier que les carrières d'artistes, comme les sportifs, ne durent pas jusqu'à 70 ans. Moi je veux bien chanter jusqu'à 70 ans mais je me ferais traiter de vieille peau ! Déjà que c'est le cas à 43 ans ! (Rires)

On peut chanter jusqu'à 70 ans ! Regarde Françoise Hardy !
Elle a 70 ans ? Françoise je la vois toujours comme une ado ! Elle a gardé ça. Non mais je peux te donner des tas d'exemples de gens qui ont des longues carrières. Françoise Hardy, Line Renaud, Charles Aznavour que je connais bien ! Ils sont des exemples incroyables. Tu as vu leur énergie ? Ils donnent du bonheur aux gens. J'ai une anecdote avec Frank Sinatra. Il était devenu sourd à la fin de sa vie. Je me rappelle il était venu donner un concert à Monaco. Les notes étaient fausses mais c'était magique. "The Voice !". C'était dingue de voir Sinatra. Donc moi je m'en fous qu'il soit jeune ou vieux. Mais on est entré dans une société de jeunisme, c'est une réalité.

C'est difficile de vieillir pour une artiste féminine ?
Ça dépend pour qui. Moi ça ne me fait pas peur. Je suis heureuse. Je n'avais pas d'horloge biologique qui me disait "vite fait un gosse à 30 ans". J'en avais déjà un qui a 25 ans aujourd'hui. J'ai rencontré mon mari à 30 ans. Ça fait 14 ans qu'on est ensemble et on est très heureux. Il ne faut pas se mettre des angoisses sur le temps qui passe. Tout dépend comment il passe. Je suis bien plus heureuse aujourd'hui que je ne l'étais à 20 ans ! Le temps ne m'a apporté que de la plénitude et du bonheur. Et une plus grande idée de ce que je voulais aussi. Et de la façon dont je vois la vie.

Justement ça fait 20 ans que tu chantes. Tu dirais quoi à la Hélène Segara qui démarre sa carrière ?
"Tu n'imagines pas tout ce qui t'attend, c'est incroyable." Le plus dur dans ce métier c'est de durer. La meilleure arme pour le faire c'est de rester soi même et d'être sincère. Mais on est dans un monde et un métier où on aime la nouveauté. Je n'ai pas cessé de rester moi-même tout en voulant montrer que j'évoluais en tant que femme et dans mon travail d'artiste.

Tu es une chanteuse populaire. Donc on ne se rappelle que de tes plus gros succès. Mais ça n'a pas toujours été le même style Hélène Segara...
Mais non ! Et je trouve ça génial de montrer toutes les facettes que je suis. Je chante des chansons romantiques mais je ne le suis pas forcément à la maison ! Je suis une fan de la première heure de Muse. Mais le Muse d'avant. Je suis dingue de Radiohead. Je n'achète quasiment que de la musique alternative. Si je te montre mes derniers achats iTunes, tu vas halluciner. J'aime les covers déjantées. Je suis super éclectique. Classique, rock, musique orientale... Et j'aime les grands textes et les belles voix. J'ai fait des chansons romantiques mais aussi des choses plus sombres. Pop rock... Cet album est plus lumineux, j'ai voulu me faire plaisir en travaillant avec des gens que j'aimais. Il y aura sûrement un duo sur ce disque. A ce stade tout ce que je peux te dire c'est que ça aura un lien avec mes racines (rires). Pour durer il faut savoir surprendre les gens. Quand je suis revenue avec un album de Dassin, personne n'y croyait. Et puis finalement, ça a été un vrai succès.

Ça du coup, ça a été un beau pied de nez aux critiques ?
Ce que j'ai aimé c'est que sur le papier tout le monde se demandait ce que c'était que ce truc. Et le public a accueilli le projet chaleureusement. 150.000 exemplaires en sortie de caisse, c'est très honorable. Ensuite, c'est un album que j'ai pas eu la chance de défendre longtemps car j'ai disparu. Je n'ai pas pu faire de tournée. Mais c'est un disque que j'ai mis 9 mois à faire. On a pris le temps de faire un album classe qui soit un vrai hommage et pas une insulte à sa mémoire.

Regardez le clip de "Et si tu n'existais pas" de Hélène Segara et Joe Dassin

Retrouvez la deuxième partie de notre interview fleuve d'Hélène Segara.

Retrouvez l'audio de l'interview qu'Hélène Segara a accordée à Pure Charts