Anne Sylvestre, 76 ans, a écrit environ un millier de chansons. Si certains la connaissent davantage pour son répertoire pour enfants (les fabulettes), plus de la moitié de son répertoire est composé de chansons pour adultes. Anne Sylvestre n'a jamais chanté les fabulettes sur scène mais toujours le répertoire “adulte”.

Elle fut interprétée par des artistes comme Serge Reggiani, Bobby Lapointe, la québécoise Pauline Julien, Francesca Solleville ou chez les plus jeunes : Vincent Delerm, Jeanne Cherhal, Aldebert pour n'en citer que quelques uns. Démontrer les qualités d'auteure-compositrice d'Anne Sylvestre serait du temps perdu ; il suffit de l'écouter.

Visionnez Anne Sylvestre, avec V. Delerm, J. Cherhal, A. de la Simone, "Ecrire pour ne pas mourir/Les gens qui doutent" :


L'écouter ne fut justement pas toujours aisé car on ne peut pas dire que les médias l'aient beaucoup soutenue. Il faut préciser qu'elle ne leur a pas facilité la tâche non plus : peu souriante, peu bavarde, donnant l'impression de s'ennuyer sur les plateaux télé, féministe, engagée, bref dérangeante. «Les différences, ça dérange. Je ne suis pas là quand il faut» écrira-t-elle d'ailleurs en 2000 dans "Je chante, excuse moi", pour l'interprète Francesca Solleville.

Anne Sylvestre n'est pas un personnage lisse et docile et l'agitation, le vacarme des programmes télé de ces 30 dernières années ne sont pas faits pour elle. Longtemps aussi, Anne Sylvestre n'osa pas se séparer de sa guitare sur scène. Instrument qui, au lieu de faire corps avec elle et de la prolonger, créait une distance, une contrariété et un barrage supplémentaire avec le public. Il n'y a qu'à la fin des années 80, quand la chanteuse remisa cet instrument pour les besoins de la mise en scène du spectacle "Gémeaux croisées" avec Pauline Julien au Trianon à Paris, que l'interprète Sylvestre prit toute sa dimension. Finis les cheveux longs, au placard les grandes robes en toile de jute, c'est une femme soignée, maquillée, presque réconciliée qui prit son envol. Interprète subtile, sobre, fragile, elle fit triompher l'intelligence et la musicalité de ses chansons bouleversantes.

Visionnez Anne Sylvestre live, "Lazare et Cécile" (2003) :


C'est en 2007 dans la chanson "Bye bye mélanco" que l'artiste leva pour la première fois le voile sur son histoire, un lourd secret de famille que sa sœur, l'écrivain Marie Chaix, avait raconté dans son premier roman "Les lauriers du lac de Constance" (1974). Lire l'interview croisée parue dans "Télérama" durant l'été 2008, en cliquant sur ce lien.

"Une enfance à refaire
Où sont passés mes frères ?
En s'excusant de tout
La honte jusqu'au bout (…)
Et sans rien qu'on nous dise
Dans une banlieue grise
Où des couloirs puants
Sont ouverts aux enfants
Retenir ses sanglots
Taper sur les barreaux
En écho
Bye bye mélanco
J'ai ouvert les rideaux
Sur un ciel plein d'oiseaux
Bye mélanco"

Anne Sylvestre chante encore, à Paris, en France, en Europe, au Canada... Guettez-là et courez-y ! Une belle âme, un bonheur d'humanité, des voyages d'amour, d'humour et de mots, qui réchauffent et élèvent largement la chanson au rang d'art majeur. Ses concerts à l'Européen ce mois-ci étant déjà sold-out, l'artiste prolongera à La Cigale de Paris, le 7 mai prochain.