jeudi 19 novembre 2015 16:17

Attentats : un journaliste australien a tenté d'interviewer... Edith Piaf

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Sur l'Express, une journaliste freelance raconte la journée surréaliste qu'elle a passée avec un confrère australien débarqué à Paris pour couvrir les attentats. Un homme avide de sensationnalisme qui voulait faire chanter Carla Bruni et interviewer... Edith Piaf.
Crédits photo : Montage Pure Charts / Abaca / DR
Léa est une jeune journaliste freelance « à peine sortie d'école ». Sur l'Express, elle raconte le récit de la journée improbable qu'elle a passée aux côtés d'un confrère australien débarqué de Sydney à Paris pour un reportage sur les attentats. 132 morts, plus de 350 blessés, l'état d'urgence décrété dans tout le pays, la traque des terroristes présumés : le sujet est douloureux, demande à être traité avec réserve. « Je me suis sentie sacrément inutile, prostrée chez moi devant la télé avec ma tristesse » raconte-t-elle, sans rédaction pour qui couvrir les événements. Mais dimanche soir, un certain James prend contact avec elle : il a besoin d'une "fixeuse", quelqu'un pour l'assister, traduire, passer des coups de fils à sa place. La journée est rémunérée 300 euros. Léa accepte.

"Au fait, elle est morte Edith Piaf ?"


Le lendemain, elle découvre à son hôtel un homme « à l'air jovial » qui se met à parler de sa femme, lui montre « des photos de son fils en culotte courte sur la plage ». Lorsqu'il lui expose son idée de reportage autour d'un café, la jeune journaliste se rend compte que son interlocuteur ne recherche qu'une chose : le sensationnel. « Je comprends vite qu'il n'est pas exactement journaliste mais producteur, que l'émission de télévision pour laquelle il bosse est un show qui réunit beaucoup de spectateurs et qu'il a un gros budget » relate-t-elle, décontenancée. L'angle qu'il veut donner à son sujet ? La "réponse" de la musique, touchée de plein fouet par le drame avec la fusillade qui a éclaté au Bataclan pendant le concert des Eagles of Death Metal. Pour pimenter son émission, il veut des choses « bien précises » : le témoignage d'un survivant, la réaction d'artistes comme Tina Arena, Nick Cave ou... Carla Bruni. « Je voudrais faire une interview avec elle et qu'elle nous joue un morceau en hommage aux victimes » lui propose-t-il, le plus sérieux du monde.

Les attentats "comme une fiction"


Le début d'une série de propositions toutes plus ahurissantes les unes que les autres : installer un grand écran devant le Bataclan pour retransmettre un live des Eagles of Death Metal, organiser un concert dans un piano-bar avec des survivants pour « filmer les larmes en train de couler ». « Au fait, elle est morte Edith Piaf ? » lui lance-t-il, traversé par une idée soudaine. Edith Piaf est morte en 1963. « Il a toujours cette espèce d'excitation joyeuse, très décalée par rapport au contexte » décrit la journaliste. Et même dans les choix des rescapés du massacre à interviewer, James se montre pointilleux. « Je recherche des histoires fortes, tu vois ? Comme celle de cette Australienne qui a fait la morte, ou de ce père qui était avec son fils » lui explique-t-il. Réponse cinglante de Léa : « On va peut-être pas mettre des critères pour les survivants quand même ».

Finalement, ils finiront par décrocher le témoignage de Davide Martello, le pianiste allemand venu interpréter "Imagine" de John Lennon devant le Bataclan. « James était un peu comme un réalisateur. Il a envisagé de raconter les attentats comme une fiction » résume Léa. Qui ressort de cette expérience avec le regret de ne pas avoir eu le cran de « stopper cette étrange entrevue ».

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