lundi 13 mai 2013 18:00

Saule et Charlie Winston : "Aujourd'hui, il y a un vrai problème de malbouffe musicale"

Saule et Charlie Winston ont réalisé ce qu'ils appellent en toute humilité un "heureux accident" avec "Dusty Men", l'un des plus gros succès de ces derniers mois. Le titre est le fruit d'une rencontre entre ce compositeur et chanteur britannique et cet artiste belge au talent certain mais encore discret, et le premier extrait de l'album "Géant" de Saule, dont la réalisation a été confiée à Charlie Winston. Une collaboration dont les deux intéressés ont bien voulu nous parler. Rencontre.
Crédits photo : DR.
En vous regardant, on comprend le titre de votre nouvel album "Géant" !
Saule : (Rires) On s'est dit qu'on n'allait pas s'embêter à chercher un titre. Au moins, là, on pourra m'identifier ! Tout le monde comprendra.

« Faire tout un album à la "Dusty Men", ça m'ennuierait vraiment ! »
Vous n'en êtes pas à votre premier coup d'essai, vous avez même déjà publié deux albums. Sur le nouveau, vous avez travaillé avec Charlie Winston. Sans lui, vous n'en seriez pas là aujourd'hui ?
Saule : C'est difficile de répondre parce qu'on ne peut pas savoir ce qu'il se serait passé si tout avait été différent. Avec ou sans Charlie, les chansons existaient. Toutes les chansons qui sont sur ce disque, c'est moi qui les ai écrites, y compris "Dusty Men". Je pense que Charlie est clairement un apport.

Une vraie rencontre artistique avant d'être un tube...?
Je ne l'ai pas du tout calculé comme ça, mais ça aide. Il faut regarder la vérité en face. Je regarde ma promo, je vois que je suis invité au "Grand Journal" et à "Taratata" la même semaine. C'est un peu inespéré quand même ! Ce sont des émissions auxquelles je n'aurais peut-être pas été invité sans lui. Après, les gens qui écoutent de la musique et qui sont vraiment curieux, ils vont vite découvrir que le mec qui chante à côté de Charlie ne fait pas simplement du one shot, qu'il a deux disques à son actif et qu'il est auteur-compositeur. Ce nouvel album est aussi très bien accueilli par la presse. Je pense qu'un mec comme Nagui, qui a la réputation d'être assez direct, même s'il est pote avec Charlie, m'aurait dit qu'il trouve que mon album est une grosse bouse. Alors oui, clairement, je surfe sur un nom. Je m'en rends compte. Mais, en même temps, on ne l'a pas pensé en termes de potentiel succès. Il a eu un vrai coup de cœur pour ce que je faisais. Ce n'est même pas moi qui lui ai proposé de réaliser mon disque. Je lui en ai parlé. Il s'est proposé. Je suis tombé des nues.

D'autant que cet album ne comporte pas d'autres "Dusty Men". Ceux qui s'attendent à retrouver un album dans la lignée seront sans doute déçus...
Saule : Faire tout un album à la "Dusty Men", ça m'ennuierait vraiment ! Je pense que ce duo est un peu tubesque, mais il brasse très large aussi. Je pense que je m'ennuierais si je ne chantais que des chansons comme celle-là. "Dusty Men" est le morceau le plus fédérateur du disque. Je pense que aussi bien sur le live, où on est vraiment très fort, que sur le reste de l'album, les gens qui vont aller chercher un peu plus loin que le bout de leur nez vont vite se rendre compte qu'il y a un vrai univers et d'autres chansons que "Dusty Men" qui sont intéressantes.

Vous êtes Belge. L'album "Géant" a été réalisé en France par un chanteur britannique. La musique n'a pas de frontières ?
Saule : Je pense effectivement qu'elle n'a pas de frontières. Et c'est ça qui était fabuleux sur ce disque. Autant Charlie Winston baragouine un français plus qu'imprécis, moi je parle un anglais qui est bien pire encore, mais on arrivait vraiment à communiquer avec la musique. On se retrouvait là-dessus. Ce qui était touchant, c'est que lui a fait traduire toutes les chansons. Et donc systématiquement, quand on travaillait dessus, on bossait bien évidemment la voix et la justesse, mais aussi sur le fond de chaque titre. On discutait vraiment du sens de mes morceaux. Comme par exemple "L'inventaire de notre amour". Il disait que je pouvais être salaud dans mon phrasé. C'était un vrai travail de fond. Avec la traduction, il redécouvrait véritablement la chanson une deuxième fois. Parce qu'il y a plein de choses qui passent à travers la musique, et d'autres une fois que l'on comprend le sens de la chanson.

« C'est génial de pouvoir travailler sur un même album à des milliers de kilomètres de distance »
Cette absence de frontières, ça a toujours été vrai ou ça s'accentue grâce au net et aux nouveaux médias ?
Saule : Je pense que ce sont deux choses différentes. Si tu regardes dans le passé, un mec comme Serge Gainsbourg chantait avec les Wailers. Paul Simon est parti en Afrique du Sud pour enregistrer sa musique... Les notes sont un vrai langage à part entière, qui permet justement de briser la barrière de la langue et de se rencontrer pour créer un vrai lien. Aujourd'hui, avec les nouveaux moyens technologiques, c'est juste génial de pouvoir travailler sur un même album mais à des milliers de kilomètres de distance.

Une partie du public peut voir cette évolution d'un mauvais œil, comme des personnes qui ont une vision passéiste de la musique et qui ne l'envisagent qu'à travers les prises de son studio-live, avec de vrais instruments...
Saule : Je suis un fervent défenseur du vintage. Je suis effectivement d'accord avec cette idée. Pouvoir faire quarante fois la même prise, ça dénature la chose. Alors que dans les années 50, si tu te plantais, il fallait recommencer toute la chanson. Ça apportait un enjeu supplémentaire à la réussite d'un morceau. En jouant en live, les musiciens savaient qu'ils devaient à chaque fois faire la meilleure prise du monde du premier coup. Aujourd'hui, si la batterie est un peu à côté on peut l'éditer. Si la voix est fausse on a un outil pour l'égaliser... Je sais que je suis un vieux con mais j'aime enregistrer live. Et heureusement, Charlie Winston travaille de la même façon que moi. On a enregistré pas mal de parties live. Ce qui est paradoxal, c'est qu'aujourd'hui on est obligé de passer par des simulateurs de bande pour retrouver le son d'hier (rires). Quelque part, on peut se noyer dans le progrès.

Crédits photo : Matthieu Zazzo
L'album "Géant" est très varié. Tant sur le plan musical que dans les thèmes abordés. Ça part un peu dans tous les sens et on pourrait presque s'y perdre en cours de route...
Saule : C'est une réflexion importante qu'on a eue avec Charlie. Je m'étais demandé dans un premier temps s'il ne fallait pas donner une couleur à l'album. C'est très français de dire qu'un artiste entre dans telle ou telle catégorie. Et il n'en sort pas ! Moi je me suis demandé pourquoi faire ça ? Et pourquoi pas se dire qu'un album c'est comme dans la vie, c'est fait de chaud et de froid disait Nagui. On peut très bien vivre en l'espace de quelques secondes un fou rire incroyable et une très grande frayeur. Je me suis dit que c'était intéressant de faire un disque qui me ressemble, qui est représentatif de tout ce que je vis au quotidien. C'est pour ça qu'on retrouve beaucoup d'auto-dérision et d'humour dans "Géant", mais aussi des titres plus poignants. Je pense que le public peut s'y retrouver en passant d'un titre à l'autre comme on passe d'une humeur à l'autre. Le lien, c'est ma voix. Il y a assez de liant pour que ce soit un menu au final.

« L'auto-dérision reste ma plus grande arme »
Charlie Winston : Un mois après qu'on a pris contact, j'ai accepté de réaliser l'album. Il m'a envoyé beaucoup de chansons et j'ai apporté ma touche, des suggestions, mais ce qu'il avait fait était déjà vraiment très bien. Il y avait une vraie patte, une personnalité musicale intéressante.

L'humour, l'auto-dérision que l'on retrouve dans plusieurs titres comme "Le bon gros géant" ou "Chanteur bio", c'est un véritable trait de la personnalité de Saule ou un jeu de rôle qui vous amuse ?
Saule : Je dis toujours que l'auto-dérision reste ma plus grande arme. C'est à dire que, face à tous les problèmes qui peuvent surgir, le fait que je sois quelqu'un d'assez atypique avec mes deux mètres et ma grande carcasse, mon rire expressif, je garde le sourire. Mon rire, c'est mon oxygène. J'en ai besoin pour me lever tous les matins pour dédramatiser. Donc ce n'est certainement pas un rôle. Tu as le vrai Saule en face de toi (sourire) !

"Le bon gros géant", c'est un titre qui pourrait presque être gênant tant on ressent l'auto-dérision.
Saule : Oui, mais j'avais vraiment envie de parler d'un thème : la discrimination. J'avais envie de le faire à la manière d'un Brassens, mais avec un côté un peu hip hop. Ce qui m'intéressait dans ce titre-là, c'était de traiter de la discrimination à l'égard des minorités. Je ne voulais pas le faire de manière bateau. Je voulais partir d'un cas particulier pour ouvrir ensuite vers quelque chose de plus large. Et je me suis dit que je pouvais prendre mon cas. A l'école on m'appelait "Géant vert" ou "Paratonnerre"... (rires) ! Et puis, "Le bon gros géant", c'est aussi une référence au roman de Roald Dahl. C'est un titre qui m'a toujours inspiré. J'aime bien cette expression (sourire).

Et le "Chanteur bio", c'est un titre qui puise lui aussi son inspiration dans une expérience singulière ?
Saule : Tout à fait ! Un jour, j'ai fait des réactions en chaîne à cause des conservateurs qu'il y avait dans mes aliments. Je suis allé voir un médecin qui m'a diagnostiqué et m'a proposé de faire une cure bio. J'ai commencé à essayer et j'ai très vite remarqué les réactions que ça pouvait susciter autour de moi. D'un côté, il y a les pro-bio, qui évidemment m'ont encouragé en me vantant les mérites de cette alimentation. Et de l'autre côté, il y a les anti-bio, qui pensent que c'est n’importe quoi, que c'est du lobbying derrière lequel se cachent des grandes marques... Il y avait une vraie guerre entre les deux partis...

« Les heureux accidents arrivent quand on se laisse totalement aller »
Et le scandale de la viande de cheval confortera la position de certains...
Saule : Mai je l'ai écrit avant (rires) ! C'est un cas où la réalité dépasse la fiction j'ai envie de dire.

Sous couvert de beaucoup d 'humour, vous vous amusez quand même à battre en brèche les thèmes qui divisent ou font polémique...
Saule : Oui, mais comme tu le dis, je le fais toujours sur le ton de l'humour. Dans le "Chanteur bio", j'ai voulu adapter ce débat entre les pro et les anti-bio au monde de la musique. Il y a des gens qui profitent de la peur de la malbouffe pour vendre tout et n’importe quoi. Que ce soit les grosses entreprises ou les diététiciens ! Et je trouve qu'il est intéressant de dire que c'est bien de manger correctement mais qu'il est tout aussi important de bien écouter. Il y a aussi la malbouffe musicale. J'avais envie de rire de ça.

C'est quoi la malbouffe musicale aujourd'hui ?
Saule : C'est un simple constat ! Cette idée est née lors d'une sorte de débat que j'avais organisé avec des amis. Je leur demandais un soir quelle était leur opinion sur la musique aujourd'hui, ce qui passait à la radio... On s'est dit que c'était fou de devoir changer de station pendant au moins trois ou quatre minutes pour enfin entendre un bon titre en radio. Et encore, c'est un bon vieux Queen sur Nostalgie ! Ça fait un peu peur ! Je me dis qu'il y a toujours autant de nouveaux qui sont bien, mais qu'il faut aller sur des webradios ou tout simplement sur les plateformes de téléchargement pour entendre des nouveautés un peu intéressantes. Malheureusement, et je ne dis pas que c'est le cas de toutes les radios, mais beaucoup d'entre elles élargissent leur créneau avec l'intention de faire de l'audimat. Alors, oui, je pense qu'on peut aujourd'hui parler de malbouffe musicale.

Regardez le clip "Dusty Men" de Saule et Charlie Winston :



C'est donc en quelque sorte une victoire pour Charlie et toi d'être numéro un des titres les plus joués en radio depuis plusieurs semaines. D'autant que même NRJ vous diffuse très régulièrement.
Saule : Oui. Complètement ! Mais ça a d'abord été un vrai étonnement. Honnêtement, on a fait ce morceau comme une récré. La leçon que j'en retiens, c'est que les heureux accidents arrivent quand on se laisse totalement aller. Quand "Dusty Men" est arrivé, l'album était bouclé. J'avais pondu ce morceau pour m'amuser un peu avec Charlie Winston et éventuellement le mettre sur l'album comme une plage ovni. Et finalement, voilà où on en est (sourire) ! Les auditeurs pourraient très bien me dire que ce que j'ai fait c'est de la musique fast food. Mais je ne sais pas quoi penser. Réellement, si j'étais auditeur et que j'entendais "Dusty Men" entre un morceau de Rihanna et de Pink, je serais content d'entendre quelque chose d'enfin un peu différent.

« "Dusty Men" est une chanson qui scelle notre amitié »
Charlie Winston : L'idée de mettre en chanson et avec ironie notre collaboration, c'était d'enregistrer un duo tous les deux. Mais il n'y avait pas encore de titre pour ça. Juste une idée. On a passé deux semaines en studio, où on a été très inspiré. On n'a pas arrêté de jouer. Et c'est à la fin de la session que Saule s'est souvenu de cette idée. "Dusty Men" est née. C'est une chanson qui scelle notre amitié. On est deux amis mais on ne chante pas la même chose. On a certaines connexions en tant qu'artiste, mais on n'est pas sur le même créneau. On n'envisage pas du tout la musique en Angleterre ou aux Etats-Unis comme on l'envisage en France. Bien que Saule soit Belge, il chante en français. Ce n'est pas une question de barrière de la langue, mais plutôt de conception.
Toute l'actualité de Saule sur son site internet officiel et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Saule sur Pure Charts.

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