mardi 31 janvier 2012 9:00

Lana Del Rey en interview : "Vous ne me voyez peut-être pas comme je suis réellement"

Vénérée ou haïe. En quelques mois, Lana Del Rey est devenue une icône. Son premier album "Born To Die" était très attendu. Il est enfin sorti hier dans la plupart des pays. Il est déjà numéro 1 sur les sites de téléchargement légaux. La chanteuse - de passage à Paris - nous a reçu hier soir dans une chambre d'un grand hôtel du VIIIème arrondissement de la capitale. L'occasion de lui parler de son image, de son pseudomyme, de ses références, son parcours, son amour pour l'écriture et la "Beat Generation". La chanteuse de 25 ans est apparue détendue, souriante, à l'opposé des caricatures qu'on lit d'elle ou de l'image qu'on se fait de la jeune femme. Pendant trente minutes, accroupie sur un canapé, une tasse de café à la main, elle a répondu aux questions de Pure Charts.
Crédits photo : ABACA

"Born To Die", votre premier album commercialisé, est sorti hier en France et dans plusieurs autres pays. Depuis cet été, on a beaucoup parlé de vous, sur les réseaux sociaux notamment... Vous avez peut-être travaillé avec une pression supplémentaire. Aujourd'hui vous êtes simplement heureuse ou plutôt soulagée ? (Steven Bellery, journaliste)
Je suis vraiment heureuse... J'ai terminé cet album en décembre. J'ai trouvé cela simplement beau. Je me suis dit que mon travail était terminé. Je suis content de pouvoir le partager avec les gens aujourd'hui. Et d'ailleurs je suis très contente d'être à Paris le jour de sa sortie.

Vous vouliez un album cérébral, animal et estival. C'est vrai ?
Exactement, j'avais envie qu'il sonne estival parce que j'adore l'été, j'aime la chaleur, écouter la musique en conduisant les fenêtres ouvertes. Il y a aussi cet aspect animal et cérébral c'est vrai.

« Elizabeth et Lana Del Rey, c'est la même personne »
Votre vrai nom est Elizabeth Grant, pourquoi avoir choisi de sortir cet album sous le pseudonyme de Lana Del Rey ?
Elizabeth et Lana Del Rey, c'est la même personne. J'avais envie d'un nom qui sonne exotique, qui puisse garder la même sonorité et se prononcer de la même manière dans n'importe quelle langue. J'avais envie d'un beau nom en fait. La musique que je faisais était assez spéciale, j'ai voulu un nom qui puisse l'accompagner.

Lana Del Rey n'est pas un personnage alors ?
Ça n'est pas un personnage, c'est simplement un nom différent. Je l'utilise depuis quatre ou cinq ans déjà...

« Je ne renie rien. Je suis simplement en train d'écrire un nouveau chapitre de ma vie. »
Vous aviez déjà enregistré un album, qui n'est jamais sorti. Est-ce qu'avec "Born To Die" vous tentez un nouveau départ ?
Ce n'est pas une réinvention. C'est plus une progression de ce qui existait déjà en moi. Alors oui, j'ai déjà enregistré un disque avant celui-là. Là c'est un nouvel album mais je ne renie rien. Je suis simplement en train d'écrire un nouveau chapitre de ma vie.

Votre voix est atypique, quasi envoûtante. Comment l'avez-vous découverte ?
J'ai toujours aimé chanter. Autant que je m'en souvienne, chanter m'est aussi naturel que parler. Je chantais avec ma mère, à l'école. Jeune, je chantais vraiment en Soprano. Mais en grandissant et sans savoir pourquoi j'ai commencé à tester ma voix dans les graves, à alterner les deux.

Il parait que vous n'avez jamais appris à chanter...
C'est vrai, je n'ai jamais mis un pied dans un cours de chant. Mais je chantais à l'école (rires).




Je crois que l'un de vos premiers souvenirs de chanteuse, c'est auprès de votre grand-mère.
C'est vrai. Ma grand-mère Cynthia avait une voix incroyable. D'une rare beauté. Elle chantait souvent à l'église, j'aimais bien la rejoindre au piano et chanter à la fin de la messe...

Vous avez expérimenté l'écriture bien avant la musique. La plume, vous l'avez prise grâce à votre ancien prof d'anglais, c'est exact ?
En effet, je dois tout à Monsieur Campbell. Je l'ai rencontré à l'âge de 15 ans et il est devenu l'un de mes meilleurs amis. J'écrivais déjà un peu à l'époque mais il m'a ouvert l'esprit, m'a permis de découvrir ce qu'était l'inspiration à proprement dit. Il m'a fait lire les grandes œuvres de la "Beat Generation", j'ai alors découvert Alen Ginsberg, Jack Kerouac et des auteurs qui décrivaient aussi la vie avec des images, des couleurs. Ces lectures m'ont réellement bouleversé... Surtout Alen Ginsberg.

Ils ont changé votre manière d'appréhender le monde ? Vous vous sentiez bizarre, différente, étant ado ?
J'ai fait beaucoup de chemin. J'ai été quelqu'un de différent. Je me suis construite pendant ces années. En fait, j'ai eu l'impression de découvrir un autre monde, du moins qu'il y avait des gens qui se posaient les mêmes questions que moi. La "beat generation" et la philosophie m'ont permis cela. J'ai d'ailleurs étudié la philo à la fac et j'étais heureuse de constater jour après jour que je n'étais pas la seule à m'interroger sur ces questions : pourquoi vivons-nous ? Pourquoi sommes-nous ici ?...

« Je ne suis pas quelqu'un de triste »
Vous avez écrit toutes les paroles de cet album. Tous ces textes sont autobiographiques ?
Oui à 100%, c'est plus facile d'écrire sur soi-même. Je sais que mes chansons paraissent tristes mais beaucoup sont en fait très joyeuses, il y a des mélodies douces-amères. Je ne suis pas quelqu'un de triste. J'aime écrire des chansons, j'aime me poser des questions parce que ça me force à penser aux choses. Certains aiment sortir le soir, moi, j'aime me poser et me souvenir des moments heureux. C'est juste un hobby, ça m'inspire.

Comment travaillez-vous ? Vous avez une manière bien particulière pour susciter l'inspiration, vous marchez c'est cela ?
C'est vrai... Je remonte quasiment toute la longueur de Manhattan jusqu'à la 59ème rue et je redescends tout Canal Street. J'ai fait ça toutes les nuits pendant trois ans. Penser en marchant, ça me libérait la tête paradoxalement, ça m'aidait à mettre les choses au clair. Et cela m'aidait à écrire ensuite. Beaucoup de chansons sont nées comme cela, je les chantais sur mon téléphone pour enregistrer ce qui me venait. J'ai découvert que lorsque je marchais, mon esprit se mettait en marche. Plus je marchais vite, plus mon cerveau s'accélérait et les idées venaient.

Quand avez-vous commencé à écrire des chansons ? Assez tardivement, non ?
Oui... Cela correspond avec mon arrivée à New York, j'avais 18 ans (NDLR : elle soupire). Oh quand je suis arrivée à New York, c'était comme le paradis (NDLR : elle dit « heaven »). C'est la meilleure chose qui me soit arrivée. Je suis amoureuse de New York. Je crois que cette ville m'a grandie. Quand on vit dans un endroit où on se sent bien, on évolue sans le savoir. C'est tellement important d'être bien dans ses baskets. Là, je suis à Paris, je me sens romantique. A New York, je suis heureuse simplement.



Vous considérez-vous plus auteur que chanteuse ?
Autant l'un que l'autre aujourd'hui... Je crois que je ressens la même émotion quand je m'assieds le soir pour écrire que lorsque je me retrouve en studio pour enregistrer.

Pour cet album, vous avez choisi de travailler avec Emile Haynie, un producteur qui travaille surtout pour des rappeurs. Et dans l'album, chose surprenante, on entend des passages hip-hop et rap, pourquoi ?
Vous savez - même si ça ne se voit pas (NDLR : elle rigole) - j'ai vécu plusieurs vies. Vous ne me voyez peut-être pas comme je suis réellement... Mon producteur et moi sommes comme des âmes sœurs. Je lui ai parlé de mes chansons, de mon inspiration, de ce que je voulais. Il a tout de suite compris de quoi je parlais. On a le même langage.

On dit souvent que vous sortez tout droit d'un film de David Lynch ? Êtes-vous fière de cette comparaison ?
Lorsque je l'ai entendu pour la première fois, j'en étais honorée. Je me suis dit "oh c'est très glamour !" (NDLR : elle rigole) Mais à force de l'entendre, je me suis dit que je devrais peut-être regarder tous ses films...

« Je suis de nature assez forte je crois »
Est-ce que vous surfez sur cette image ? Est-ce que vous la travaillez ?
A la télé, quand je me produis, oui. J'aime porter de belles robes. Pour les shootings, j'aime prendre soin de moi. Quant à mon image, ma personne je ne travaille rien du tout, je suis de nature assez forte je crois. Je sais que certains pensent que je me suis inventé un double en cinémascope, une image sculptée mais non je suis comme cela, tout le temps.

Au fil des titres, pêle-mêle, on entend Bacardi, Château-Marmont, James Dean, de multiples références à l'âge d'or d'Hollywood. D'où vous vient cette fascination pour cette période ?
Je ne suis pas fascinée par l'âge d'or d'Hollywood mais je suis fascinée par le bonheur qui semble s'extraire des films de cette époque. Je n'ai jamais eu l'envie ou l'ambition de faire partie de ce rêve hollywoodien. J'ai plutôt l’ambition personnelle d'être heureuse.

Avez-vous par contre des idoles, des personnalités qui vous ont marqué durant cette période ?
Je n'ai pas d'idole. Enfin, il y a quelqu'un que je connais, que je côtoie et qui est une sorte de modèle. Et je crois que c'est bien mieux d'avoir des références "réelles". Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée de chercher un modèle dans la musique...

Dans le titre "Dark Paradise", vous dites "Everytime I close my eyes, it's like a dark paradise". C'est ainsi que vous voyez le monde ?
Non, c'est une référence à une rupture... Je parle de ce moment où vous venez de vous séparer de quelqu'un et où vous vous retrouvez seule dans votre lit le soir. A espérer qu'il soit là tout en vous disant que c'est bel et bien terminé. Cette sensation bizarre de paradis noir. J'adore ce mot "paradis". J'adore la manière dont il sonne (NDLR : elle montre le flanc de sa main gauche où est tatoué le mot "paradise").

Autre titre. "Radio", morceau sur la célébrité. Vous dîtes "I don't even think about it now because, I finally find you, now my life is sweet like cinnamon. Like a fuckin' dream I'm livin' in" Est-ce que cet album vous a changé ?
(NDLR : elle marque un temps d'arrêt) Je pense que oui. Dans un sens, il y aura un avant et un après.

On entend ça et là, des mots et des phrases en français, notamment dans le titre "Carmen", pourquoi ?
Je ne dis pas cela parce que je suis à Paris mais cet album est en fait à moitié inspiré par la France, et à moitié par l'univers hip hop. J'ai voulu mettre des mots français dans quelques chansons. On l'entend distinctement dans un pont de "Carmen". Mais je suis certaine que vous n'y avez pas fait attention dans deux ou trois autres titres, il y a des références cachées, des petits messages, on ne peut pas vraiment les entendre. La France symbolise pour moi l'ultra glamour, l'ultra-romantique, une sorte de "European Dream". Ce disque est à la fois influencé par la beauté de l'Amérique, le danger du hip-hop, le romantisme de la France.

« La mort a beaucoup occupé mes esprits »
Votre album s'ouvre par le titre "Born To Die" qui donne son nom à l'album. Est-ce que la mort vous obsède ? vous dérange ?
J'y fais souvent référence dans l'album... La mort a beaucoup occupé mes esprits à un moment de ma vie, quand j'étais très jeune. Quand j'ai réalisé que nous allions tous mourir, que nous étions nés pour mourir ("Born To Die"), ça m'a tellement effrayée que je crois que cela a influencé ma vision des choses, comme si un voile s'était additionné à mon existence. Le concept me paraissait si étrange. Et tout a disparu d'un coup quand j'ai connu mes premiers vrais amis, mon premier amour. Et tout s'est mélangé amour et mort pour influencer mon écriture...

Il y a une chanson qui s'appelle "Diet Moutain Dew" c'est une boisson qu'on trouve aux États-Unis, un soda. C'est votre boisson préférée ?
(elle rigole) Oui c'est vrai, j'adore ça ! Quand je suis entrée dans ma chambre hier, il y avait une grosse bouteille, je ne sais même pas comment ils ont réussi à en trouver !!

Dans le titre "National Anthem", vous dîtes "Money is the anthem of success" (L'argent est l'hymne du succès). Provocation ?
Oui ! C'est une blague ! (NDLR : elle chante langoureusement "Money is the anthem of success"). Je ne le pense pas une seule seconde.
Toute l'actualité de Lana Del Rey sur son site internet officiel et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'EP "Video Games" de Lana Del Rey.
Regardez le clip "Born To Die" de Lana Del Rey" :

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