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samedi 22 mars 2014 10:00

Ycare en interview : "La dance, c'est la fin de la culture en France"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Ycare a publié cette semaine son nouvel album "La Somone", soutenu par le single "Sors". Pure Charts a rencontré le chanteur pour qu'il se dévoile : l'étiquette "Nouvelle Star", sa passion d'écrire pour les autres, le succès de Stromae, la dance et même son rêve secret : devenir un Enfoiré.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

"La Somone", ton 3ème album, est sorti. Tu pensais en arriver là en participant à "Nouvelle Star" en 2008 ?
Faire trois albums signés et tout ça, non. Mais j'avais la profonde conviction que j'allais faire ça toute ma vie après. Quel que soit l'échec ou... Enfin, ce n'est pas mirobolant tout ce qui se passe, mais c'est réjouissant de n'avoir que ça à faire. C'est une grande chance.

Si tu n'avais pas été signé, tu aurais continué la musique ?
J'aurais fait le Gibus tout ma vie ! (Rires) Comme je l'avais fait une fois, après. Je n'avais pas de manager rien... Il s'était passé un truc dans ma tête. Il y a des périodes de ta vie durant lesquelles tu dois faire des choix. Tu assumes, quand ça marche ou pas.

Et est-ce que c'est difficile d'être un personnage un peu décalé, un peu original, dans cette industrie ?
Ce sont les gens qui ont dit que j'étais original. Plus commun que moi, il n'y a pas ! Qu'est-ce qui est original chez moi ? A chaque fois, on me met dans une case, on me marginalise presque.

« "Nouvelle Star, ça vire un peu au karaoké" »
Quand même... Ta façon d'interpréter, d'habiter les titres durant les primes de "Nouvelle Star", ta gestuelle, ta façon d'occuper l'espace... Aujourd'hui, dans l'émission, on voit des jeunes...
Ca vire un peu au karaoké. Non, mais moi je ne savais pas chanter. Aujourd'hui, j'ai appris, je chante mieux. Les autres, déjà pendant les castings, ils chantaient bien, ils jouaient de la guitare... Je n'avais jamais tenu un micro ! Donc, pour rester, pour qu'on se souvienne... C'est ça que je voulais. J'ai mis des collants, un jean déchiré... Il fallait ruser, j'étais obligé. Sinon, je n'aurais pas fait deux primes. Je savais que je n'allais pas gagner...

Pourquoi ?
Quand tu chantes faux, tu ne gagnes pas. (Sourire) Mais ça se travaille, c'est comme un sportif. Là où je prétends à plus, c'est écrire des chansons. Aujourd'hui, si les gens ne m'écoutent pas moi, ils m'écouteront via d'autres. Ca commence doucement. Il y a eu Nolwenn Leroy, Garou, Joyce Jonathan, Florent Mothe, Louis Delort, Sofia Essaïdi avec qui je bosse... Ce n'était pas évident, avant qu'Amel Bent m'ouvre la petite porte. Les gens appréhendaient un peu que j'écrive, on me fermait la porte. En plus, tu as fait un télé-crochet ! Je n'ai jamais cru que ça m'arriverait.

« J'ai failli écrire pour Johnny »
Il y a des artistes avec qui tu aimerais écrire ?
Oui, plein. Je sais que Marc Lavoine écrit ses chansons, mais j'aimerais bien co-écrire. J'ai eu la chance de le croiser cinq minutes. Et Johnny ! J'avais tenté, on m'avait appelé, et ce fut un échec cuisant. Je crois qu'on m'a demandé trop tôt. Aujourd'hui, peut-être que je serais prêt.

Pour revenir à "Nouvelle Star", est-ce que c'est une étiquette qui t'agace un peu aujourd'hui ?
Quelle est la faute du bâtard si ce n'est que d'être né ? Le bâtard, il n'a pas demandé à naître. Mais si "Nouvelle Star" bénéficie d'une image dégradée et dégradante pour les gens qui fréquentent ce télé-crochet, je n'y suis pour rien. Moi, j'ai utilisé un tremplin musical, une mise en lumière. Aujourd'hui, je n'ai qu'à remercier le ciel d'en être passé par là. Ce qui me rend fou, c'est que ma biographie commence par « Issu de la "Nouvelle Star" ». Vous êtes fous, il y a eu 24 ans avant ! On ne naît que quand tu es médiatisé. Ce n'est pas dramatique... Mais non, je ne rougis pas de la "Nouvelle Star". Surtout quand on voit qui en est sorti...

Mais peu de candidats issus de télé-crochets ont réussi à bâtir une carrière solide sur la durée, même des artistes plébiscités comme Christophe Willem ou même Amel Bent. Comment tu analyses tout ça ?
C'est la faute des gens qui se présentent à ce genre de choses. Il ne faut pas aller là-bas en se disant : « J'ai une bonne gueule, je sais chanter, je vais y aller ». Oui, tu vas y aller, tu vas faire un coup d'éclat et tu vas disparaître. Il ne faut pas y aller à 17 ans. A part, Amel Bent, qui a un talent hors-norme, sa voix suffit à faire une carrière de 10, 20, 30 ans. Elle ne disparaîtra pas, Amel. C'est l'une des plus grandes voix en France. Des interprètes intrinsèques, il n'y en a plus. Il y a eu Johnny. Aujourd'hui, c'est une génération d'auteurs. Pour perdurer dans la musique, il faut écrire.

Aujourd'hui, quand on voit la crise du disque et la difficulté de s'imposer, même pour des artistes installés, est-ce que les télé-crochets ont encore un intérêt ?
On n'est pas à l'abri de tomber sur un Julien Doré. Chaque année, on nous en sort un nouveau. Regarde, cette année, il y a eu Yseult. Tout le monde en a parlé. C'est une artiste. Après le Brel, c'était plié. Elle a 18 ans, et elle te sort ça avec une maturité... Après, avec le temps, elle va calmer ses doigts ! (Rires) Et peut-être que les gens ont besoin de rêver avec ces programmes. C'est aussi pour ça qu'ils existent. Pas que pour ceux qui les font, mais les millions de gens qui regardent. Enfin, le million, ça dépend des programmes ! (Rires)

Tu conseillerais aux jeunes qui rêvent de percer de s'inscrire à un télé-crochet ?
Ca dépend du projet, si tu es pressé ou pas. Moi, ça m'a fait gagner quinze ans. J'ai signé quatre ou cinq mois après. C'est rien. C'est allé vite. J'ai fait un showcase, il y avait des gens d'Universal et Sony, qui ont la gentillesse de venir. Il faut y aller avec un plan. C'est du travail. Ok, c'est chouette, c'est de l'entertainment, mais tu as de l'angoisse sur tes épaules toute ta vie car il n'y a pas d'assurance.

C'est compliqué de vivre de la musique en 2014 ?
Non, parce que je suis auteur. J'ai eu la chance aussi que "Lap Dance" soit le troisième titre le plus diffusé en 2011. Ca m'a permis de vivre correctement. Et il y a eu Nolwenn... Ca prolonge ma durée de vie, on va dire.

Découvrez le clip "Sors" d'Ycare :



Suite au succès de "Lap Dance", est-ce que, aujourd'hui, quand tu es en studio, tu te dis qu'il faut que tu fasses un tube, au moins un titre fort ?
Ce n'est pas à moi de m'occuper de ça. Il y a un chef de projet, un manager, un éditeur... Chacun son boulot. Si un disque se plante, c'est aussi peut-être à cause de moi, ça veut dire qu'il n'y avait pas les bonnes chansons. Mais ce n'est pas à moi de choisir un single... Quand ils m'ont proposé "Lap Dance" à l'époque, je leur ai dit « Vous êtes fous ! Ce n'est pas bon ». Je voulais "Schizophrène", peut-être car c'était le seul que je n'avais pas écrit, et que je manquais de confiance en moi.

« Il n'y a presque plus rien de personnel dans ce que je fais »
Malgré tout, est-ce que tu décides de certaines choses dans l'exploitation de tes albums ?
J'ai toujours tout choisi, de la pochette de mes disques à mes clips. On ne m'a jamais rien imposé. On m'a parfois dit "non" à certaines idées, mais si on m'explique et que c'est constructif, j'espère pouvoir le comprendre. On est ensemble. Celui qui réussit seul est un menteur. "Sors", par exemple, c'est unanime. On a dit « Allez, on sort "Sors" ! ». (Rires)

C'est un album beaucoup plus lumineux et dansant que le précédent, "Lumière noire". C'est comme un remède anti-crise ou juste un besoin personnel ?
Non, il n'y a presque plus rien de personnel dans ce que je fais. Ca part de moi, mais ça a vocation à être chanté pour les gens. Si tu veux chanter des choses pour toi, chante dans ta chambre. Sinon, prends en considération les aspirations des gens, parle aux gens. J'aime parler aux gens que je ne connais pas, les voir... J'adore prendre le métro, quand il n'y a pas de clip en télé sinon tu redeviens connu pendant un moment. Ce sont les gens qui te donnent cette orientation.

Oui mais "La Somone", c'est un album personnel puisque tu évoques ton enfance notamment...
C'est ma Madeleine de Proust. La Somone (nom d'un fleuve au Sénégal où Ycare est né, ndlr), c'est la mienne. On a tous la nôtre. L'album, il est large. Si tu prends "J'ai un secret", en réalité, je n'ai rien à cacher à ma fiancée ! C'est peut-être une histoire que j'ai vu ailleurs. J'ai trente ans, je n'ai pas assez vécu. Dans "Une vie", je parle de la soixantaine, je n'en suis pas là. Je ne suis pas un imposteur pour autant. Si tu dis que ton album est ultra personnel, bah garde-le pour toi, ça n'intéresse personne ! Après, oui, dans le titre et les sonorités, il y a un peu d'égoïsme. Mais l'album est fait pour que tout le monde s'y retrouve. Enfin, j'espère !




C'est un disque qui parle beaucoup du passé, de l'enfance ("L'aventure", "Je n'ai jamais voulu grandir", "Adolescence"...). Pourquoi ce thème a resurgi maintenant, sur ce troisième album ?
C'est maintenant que je me rends compte tout ça. La trentaine, c'est un âge bâtard. 30 ans, c'est la gueule de bois de la vingtaine. La trentaine c'est l'orphelin du temps, ça sert à rien. Avoir trente ans, c'est de la merde. C'est un âge où tu construis, tu n'es rien. Je chante "Je n'ai jamais voulu grandir" parce que je me retrouve dans une situation dans laquelle je n'ai pas envie d'être. Comme "Sors". Je ne veux pas que demain arrive... Le temps est un cancer.

On parlait d'originalité tout à l'heure, je t'ai vu poser sur Indila sur Twitter. Quel est ton regard sur son succès ?
Ca fait plaisir, ça fait du bien qu'il y ait Stromae et Indila. Je préfère que ce soit ça qui soit numéro un, plutôt que de la merde dance, où il y a des fautes de grammaire dedans. C'est la fin de la France. Déjà qu'économiquement, on ne s'en sort pas, alors culturellement... Je ne prétends pas faire mieux. Mais voilà, Stromae et Indila font mieux que nous tous. Il y a de la place pour tout le monde dans la musique, pas dans les classements.

« Si j'aimerais être Stromae ? Non »
En même temps, être partout à la radio, comme Stromae et Indila, est-ce que ça correspondrait vraiment à ta démarche, à ta personnalité ?
C'est comme pour tout, il faut consommer avec modération. Personne ne t'a dit d'aller écouter une radio toute la journée qui diffuse en boucle la même chanson. Et si c'est partout à la télé aussi, n'allume pas ! Ecoute Nova... Et encore, il y est Stromae avec "Formidable" ! (Rires) En même temps, c'est formidable, c'est un miracle. Il a réussi à parler à l'abruti comme à l'érudit. Si j'aimerais être Stromae ? Non, j'aimerais rester Ycare et que ça dure. J'aime le côté diesel de ma carrière. La côte est à deux degrés, mais c'est une bonne côte ! (Sourire)

Tu n'es pas dans une course au succès...
Aller te prostituer pour avoir quatre titres numéros un, quand c'est bas de gamme, ça ne vaut pas le coup. Stromae, s'il les a, c'est que c'est mérité. Bravo ! Comme David Guetta. Certes, il a fait un truc en Anglais, comme Daft Punk. D'ailleurs, ce sont des artistes anglophones. J'aimerais qu'aux Victoires de la Musique, il n'y ait que des artistes francophones. On est en France ! Musicalement, ce sont les meilleurs les Anglais. Mais c'est super easy d'écrire en anglais. Ca sonne, on fait "yeah", on dit n'importe quoi, et c'est bon. Il ne faut pas se foutre de notre gueule. Essaie de faire pareil en français, et on en reparle !

Regardez "Pourvu que tu viennes" d'Ycare :



Donc, impossible que tu écrives en anglais un jour ?
Je refuserai. Je l'ai fait une fois pour Matthieu Mendès, avant que son album bascule en français. Je ne le referai plus.

Ce n'est pas naturel pour toi ?
Si, j'ai fait toutes mes études en anglais, donc je parle anglais. Le jour où je fais un album en anglais, viens me frapper ! Je viens d'insulter l'anglophonie de tout mon coeur... Non mais on peut jouer avec l'anglais, comme sur "For me formidable" de Charles Aznavour ou Renaud, ça passe. Mais quand tu fais tout un album en anglais et que sur scène, entre les chansons, tu lances "Ca va Paris ?"...

« Je ne veux plus chanter le sexe »
Pour revenir à l'album, j'ai remarqué que sur tes deux précédents albums, tu parlais beaucoup de sexe ("L’étrangère (J'veux qu'on baise)", "S.E.EX", "Le canard rose", "Lap Dance"...). Mais sur celui-ci plus du tout. Pourquoi ?
J'en ai assez. Je ne me vois plus chanter "J'veux qu'on baise" sur scène, alors qu'il y a mes beaux-parents ou mes parents au balcon. C'est la maturité. Ce sont des titres que je ne défendrai plus sur scène, comme "L’étrangère" et "Le canard rose". Déjà sur la première tournée, je ne disais plus le mot "baise". En fait, avant, j'avais trop de pudeur pour dire "Je t'aime", alors parler de cul, je trouvais ça plus facile. Maintenant, c'est l'inverse. "L'aventure", c'est le morceau le plus cul-cul que j'ai écrit de toute ma vie. Je me suis inspiré du film "Là-haut".

Tu es un artiste assez discret...
Mais parce qu'on ne m'invite pas ! (Rires) Non, je plaisante.

On aurait pu te retrouver sur les albums de reprises comme "Génération Goldman" ou "We Love Disney"...
Non merci ! Je ne pense pas qu'on m'ait proposé, mais non. Pour un truc large comme ça, mon rêve, avant qu'ils ne se déguisent en pingouins, mais c'est pour la bonne cause, c'est de faire Les Enfoirés. Je fais les Restos du coeur mais au Monoprix. Dès que je peux... J'aimerais faire Les Enfoirés, mais pas que chanter, aussi servir les soupes, par exemple. J'essaierai. Après, c'est facile à dire. Ce serait un rêve de gosses.

Et concernant les albums de reprises, tu pourrais accepter de participer ?
J'avais chanté "La vie par procuration" avec Joyce Jonathan dans une émission, ça me suffit. Rendre hommage à cet artiste immense qu'est Jean-Jacques Goldman. Ca ne m'aurait pas dérangé que la chanson soit sur le CD, mais après... Essayer d'exister à travers ça, ça aurait été difficile pour moi. Je remercie Mickael Furnon de m'avoir écrit "Schizophrène", mais, sauf miracle, je ne prendrai plus de chanson de qui que ce soit. Le miracle, ce serait Aznavour.

« Dans la musique, tout est synthétique »
En France, les émissions musicales sont de plus en plus rares. Est-ce dangereux pour les artistes ?
Ca n'intéresse plus les gens... La musique, c'est devenu un produit d'appel. Il y en aura dans les corn flakes bientôt. Tu achèteras tes céréales et tu auras deux titres cadeau à télécharger avec un code. C'est à cause du manque de qualité, tout ça. Pourquoi acheter un truc qu'un mec a mis cinq minutes à faire sur son ordi ? C'est ça qu'on vend aujourd'hui. Tout est synthétique, tout est faux. On produit en deux secondes, on envoie en deux secondes et on renvoie l'artiste en deux secondes.

Amandine Bourgeois, ex-"Nouvelle Star", a représenté la France à l'Eurovision l'an dernier. Tu accepterais si on te proposait ?
Elle n'avait pas la bonne chanson... C'est une grande chanteuse. Sa chanson était bien mais pas pour l'Eurovision. Il faut des notes longues quand tu proposes un titre pour l'Eurovision. Chanter en français n'est pas handicapant quand tu allonges les voyelles. Regardons "L'oiseau et l'enfant". Il faut que ce soit un peu lyrique, de l'Est. Il ne faut pas y aller avec de la zumba et de la pop ! Si on me proposait, je dirai non car je ne suis pas un bon chanteur. J'y ai bien déjà pensé, un soir tard, une fraction de seconde, avec mon titre "Une vie". Mais l'Eurovision c'est esthétique, et je ne suis pas Don Juan, et c'est vocal, et je ne suis pas Castafiore. Mais collaborer sur une chanson pour l'Eurovision, avec grand plaisir.
Pour en savoir plus, visitez ycareofficiel.com, ou son Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie d'Ycare sur Pure Charts.

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