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samedi 26 février 2022 12:29

Scorpions en interview : "On se demandait si le monde avait besoin d'un nouvel album"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Scorpions est de retour avec son nouvel album "Rock Believer". Pure Charts s'est entretenu avec le guitariste Matthias Jabs à propos de ce disque conçu en confinement, des 50 ans du groupe culte ou encore de la popularité du rock aujourd'hui. Interview !
Crédits photo : Marc Thies
Propos recueillis par Théau Berthelot.

"Rock Believer" est votre 19ème album, qui sort tout juste 50 ans après le premier. Après tout ce temps, c'est devenu une routine ou vous avez toujours la pression au moment de la sortie ?
C'est toujours aussi excitant quand un album sort. Ça veut dire qu'on partage l'album avec nos fans et le public. On a fini d'enregistrer cet album en août, donc depuis on est assis en attendant que ça sorte. On a hâte qu'il sorte car on en parle depuis le mois d'octobre avec les critiques ou les journalistes. Les fans pourront l'entendre, ils pourront réagir à nos nouvelles chansons quand ça sortira. Donc c'est toujours excitant de voir si on a bien fait les choses, si ça plait aux gens... J'ai vraiment hâte que l'album sorte.

J'ai lu que vous avez eu une énorme remise en question avant de faire cet album. Pourquoi ?
Nous avons fini notre précédent album "Return to Forever" en 2015, puis on est parti en tournée jusqu'à la fin 2019. On était donc sur les routes pendant près de trois ans et demi. On n'était pas sûrs de faire un autre album après cela. Vous savez, on est toujours dans cette routine : on fait un album, on fait une tournée... On a fait ça toute notre vie. On n'était pas sûrs, on se demandait si le monde avait besoin d'un nouvel album de Scorpions. Pourquoi ? On a tellement de tubes et de classiques qu'on pourrait tourner éternellement, on n'a pas nécessairement besoin de faire de nouvelle musique. Mais un ami qui se considère comme le fan numéro 1 de Scorpions, même s'il y en a plein dans le monde, nous a dit avec un ton de défi : "Si vous pouvez faire un album dans le style de "Blackout", du début des années 80, les fans adoreraient". C'est facile à dire mais dur à faire. On y a pensé car il a planté cette idée dans notre tête. Et début 2020, quand on est revenu d'Asie, la pandémie a commencé à frapper donc on a décidé de repartir en studio. On ne pouvait pas travailler avec le producteur qu'on avait choisi car les Etats-Unis avaient fermé tout de suite leurs frontières. C'est pour ça qu'on a produit l'album nous-mêmes.

« On a tellement de tubes qu'on pourrait tourner éternellement »
C'est difficile de se réinventer après 50 ans de carrière ?
En fait, ce n'est pas aussi simple qu'on le pense... Quand on travaille avec des producteurs, ils ont tendance à te pousser dans certaines directions. Mais comme on était tout seul, on s'est référé à ce qu'on faisait au début des années 80, à l'époque où on a trouvé notre son signature. Ce n'est pas si dur. On fait ce qu'on a toujours fait, quand on nous laisse tranquilles (sourire). Même quand on joue en live, personne ne nous dit comment faire, c'est juste nous !

Après cette remise en question, vous avez donc fait un album qui sonne 100% Scorpions. C'est ce que vous vouliez, retourner aux sources de votre son ?
Cette fois, nous avons travaillé d'une façon différente. Les paroles ont été écrites en premier. Klaus [Meine, le chanteur] a commencé à écrire des choses, non pas pour accompagner la musique, mais véritablement des histoires. Ce n'est pas comme un concept mais dans ses histoires, il faisait souvent référence à notre passé, à des choses qui se sont produites durant toutes ces années, mais aussi à des lieux comme Tokyo, Londres ou Paris... La musique arrivait après les paroles pour la première fois dans l'historie de Scorpions car normalement c'est l'inverse. C'est vrai que c'est connecté à notre carrière toute entière !

En comptant les titres bonus, c'est l'un des vos albums les plus longs. La pandémie a voulu ce côté prolifique ?
Nous avons enregistré 19 chansons. On a pensé à en faire un double album car on avait encore quelques titres sous le coude. Mais sur notre précédent album "Return to Forever", il y avait aussi 19 chansons si on prend en compte tous les titres bonus. Donc c'est toujours mieux d'en avoir plus que moins (sourire).

Regardez le clip "Rock Believer" :


« On fait ce qu'on aime et on est payés pour le faire »
Vous avez commencé à parler d'un nouvel album en 2018 et il sort quatre ans plus tard. Ça a été votre album le plus long à faire ?
Oui ! En un sens, la pandémie nous a aidés car du coup on était vraiment concentrés sur nous-mêmes et notre travail. On ne pouvait pas voyager ou faire de concerts, donc c'était seulement nous en studio, sans invités spéciaux à cause de la pandémie. Mikkey vient de Suède et Pawel de Pologne donc ils étaient isolés dans leurs hôtels... Ce n'était pas toujours fun, il y a eu des moments difficiles mais on a essayé de n'en tirer que le meilleur. Je suis fier de ce que nous avons fait parce que le producteur nous disait d'attendre que la pandémie soit finie... sauf que ce n'est toujours pas le cas !

Et on ne sait pas quand ce sera !
Exactement ! Et j'ai bien peur qu'on vive encore avec... Mais je suis assez optimiste, je pense que cette année, ce sera bon. Si on attend quelques semaines, qu'il fasse plus beau, on finira par oublier tout ça ! On a eu la grippe par le passé, et personne ne tombe malade aujourd'hui, à moins que ce soit à cause du Covid.

La pandémie que l'on traverse depuis deux ans a influé le disque et est même évoquée dans certaines chansons, tout comme l'état du monde. C'était inévitable de passer à côté ?
(Il réfléchit) Vous savez, on n'a jamais vraiment été un groupe politique. Si vous êtes assez conscient et que vous suivez l'actualité... On regarde tous ce qui se passe dans le monde et, quand on le sent, on en parle. Il n'y a pas vraiment de concept là-dedans. La chanson "When Tomorrow Comes" commence par « World, you look so tired » (Monde, tu as l'air si fatigué)... C'est ce qui se passe, le monde n'est pas un endroit sympa. Quand on a sorti "Wind of Change", on était tout aussi optimistes, l'Union soviétique venait de s'effondrer... Mais c'était il y a 30 ans ! Mais aujourd'hui, avec les menaces de la Russie envers l'Ukraine, le Covid... Les gens changent : on passe d'un monde global au nationalisme, comme en Hongrie ou en Pologne... Ce n'est pas une période idéale.

« Se réinventer, ce n'est pas aussi simple qu'on le pense ! »
Sur le morceau titre "Rock Believer", vous clamez haut et fort que le rock n'est pas mort. Un moment ou un événement en particulier vous a motivés à écrire ce titre ?
"Rock Believer" reflète le groupe, et la relation que le groupe a avec ses fans. Dès le début, nous avons dédié nos vies à la musique. Nous aimons tous le rock et nous avons tous grandi avec des groupes comme Led Zeppelin, Deep Purple, les Rolling Stones ou Jimi Hendrix. On s'est identifiés rapidement à ce genre de musique et nous avons toujours continué comme ça. On n'a pas l'impression que c'est un travail, c'est plutôt une philosophie de vie. Donc on vit juste notre vie. On est toujours là, on fait toujours les mêmes choses. Parfois, j'ai même l'impression qu'on est dans une capsule temporelle : le monde extérieur change, mais on fait toujours la même chose qu'il y a 40 ans (rires). Mais on s'est toujours senti comme ça. Evidemment, on vieillit mais à l'intérieur de moi, je n'ai pas l'impression d'être plus vieux, et pourtant je le suis ! Voilà de quoi parle la chanson : on croit vraiment en ce qu'on fait, et nous avons dédié nos vies à ça. Mais, dans le monde entier, nous avons des fans fidèles qui ressentent la même chose. Vous savez, la première génération de fans a le même âge que nous. Dans les années 80, on était tellement populaires que ça a amené une nouvelle génération de fans. Et, depuis 10 ans, on s'est aperçus grâce aux réseaux sociaux et à YouTube qu'on a encore une toute nouvelle génération de fans. Donc on joue pour trois générations. Selon des statistiques, sur nos 10 millions d'abonnés sur Facebook, 80% ont entre 18 et 28 ans. Vous y croyez ? J'ai 66 ans, mes amis en ont 73. On peut voir ça lors des concerts aussi : ce sont les jeunes qui courent pour être au premier rang, on ne voit pas les plus vieux car ils sont trop loin dans la salle (rires).

On a bien vu en 2021 que le rock n'est pas mort avec le succès de Maneskin. Il y a des artistes ou groupes qui vous intéressent dans la nouvelle génération rock ?
En effet, il y a un groupe américain qui s'appelle Greta Van Fleet. Ils sonnent comme Led Zeppelin. Ce n'est peut-être pas très original mais j'aime la façon dont ils mélangent les genres. C'est un des groupes qui se détachent. Je suis sûr qu'il y en a plein d'autres mais je n'ai pas beaucoup écouté d'autres musiques ces deux dernières années car quand on est en studio, je ne veux pas être influencé par ce que les autres font. Je dois avoir un point de vue unique et créatif, sans me dire "Oh ça sonne de telle façon"...

Regardez le clip "Peacemaker" de Scorpions :


« On a essayé de tirer le meilleur de cette période de pandémie »
Les paroles de certaines chansons sont plutôt sombres ("Seventh Sun", "When Tomorrow Comes") mais il y a quand même un certain espoir, via "Peacemaker" notamment. Vous restez encore optimistes ?
Je pense que, basiquement, tout le monde est très optimiste. Mais on doit être plutôt réaliste, ça ne veut pas dire qu'on est pessimiste. Comme je le disais, le monde n'est pas très rose en ce moment, mais si vous l'analysez et que décrivez ce que vous voyez, ça peut être réaliste avec un côté sombre ou négatif.

Il y a un côté aussi nostalgique dans l'album et surtout dans le clip "Rock Believer". C'est pour vous une façon de faire le bilan ?
Je pense que l'idée de ce clip, qui vient de la compagnie qui a fait la vidéo, c'est de montrer qu'on a dédié notre vie entière depuis qu'on est enfants à aujourd'hui. On y voit des photos de nous jeunes ou dans les années 80...

Le groupe a un demi-siècle de carrière : qu'est-ce que ça fait de voir que vous êtes toujours là ? Et surtout toujours populaire ?
C'est fantastique ! Notre rêve est véritablement devenu réalité. Personne ne peut s'en plaindre ! Et personne ne peut se désoler qu'on continue à un âge aussi avancé. Nous aimons ce que nous faisons, nous avons tellement hâte de rejouer sur scène. Quand on y pense, on a tellement voyagé, on est allé de la Nouvelle-Calédonie à Hawaii en passant par la Chine, l'Amérique du Sud et bien sûr l'Europe et les Etats-Unis. On a été partout, dans plus de 80 pays. Nous faisons ce que nous aimons, et nous sommes payés pour le faire ! On ne peut pas rêver mieux !

« On n'a jamais vraiment été un groupe politique »
Ça me rappelle cette phrase qui m'a fait sourire dans le communiqué : il est dit que, finalement, il n'y a que très peu de pays dans lesquels vous n'avez pas joué !
Exactement ! (Il sourit) Et notre prochain objectif, c'est l'Afrique du Sud, nous ne sommes jamais allé jouer là-bas.

Et quand on regarde, ce sont souvent des groupes rock qui ont la plus longue longévité comme vous, AC/DC, les Rolling Stones, U2...
Parce que c'est plus une philosophie de vie que pour les artistes pop... Je veux dire, vous avez eu un chanteur comme Charles Aznavour, qui était encore sur scène à 93 ans ! En plus, nous avions le même promoteur, j'ai appris ça hier [Gérard Drouot, le tourneur récemment décédé, ndlr].

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Ça vous déçoit d'être souvent réduits à vos quelques tubes comme "Still Loving You" ou "Wind of Change" alors que vous avez quand même 19 albums ?
Les chansons sont jouées à la radio, mais les chansons rock ne le sont plus de nos jours. C'était le cas avant mais plus depuis pas mal de temps. Avec ces chansons, vous arrivez à toucher la majorité des gens, vous êtes dans ce qu'on appelle le mainstream. Mais ça nous convient absolument ! Ce n'est pas vraiment le cas mais pour certains, ça peut arriver qu'une ou deux chansons soient plus grosses, plus importantes que le groupe en lui-même. Comme les one-hit wonder, on se souvient des chansons mais pas forcément de qui les chantait. Mais avec Scorpions, on est trop actifs, on est trop vivants. Les fans connaissent plus notre côté rock, qui est plus énorme, que nos ballades. Et les ballades ont plus d'exposition car elles peuvent être plus facilement jouées à la radio.

« Le monde a changé mais on est toujours là »
Il y a aussi un décalage amusant car vous êtes un groupe de rock mais vos plus gros succès sont plutôt des ballades que des titres énergiques...
Quand les groupes de rock font des ballades, elles sont pointues, ce n'est jamais trop cheesy ou cucul. Je pense que c'est quelque chose de plus attirant pour les gens de quelque chose d'un peu plus sirupeux (Il rigole en imitant le bruit d'un violon).

Vous serez bientôt de retour sur les routes après deux ans sans concerts. J'imagine que la scène a dû vous manquer ?
Absolument ! Nous allons commencer à Las Vegas dans un mois et nous y restons un mois pour neuf concerts. C'est le lieu parfait pour démarrer une tournée mondiale car on peut checker toutes sortes de choses, on peut utiliser nos journées off pour régler ou arranger des détails... C'est vraiment l'endroit parfait pour commencer.

Et à Paris, vous serez en concert le 17 mai à Bercy, même si on dit maintenant l'Accor Arena...
Pour nous, ce sera toujours Bercy ! (sourire)

« La fin ? C'est peut-être quelque chose à laquelle on va réfléchir »
Effectivement, pour la plupart des gens ! Ce concert, ce sera une façon de boucler la boucle vu que vous avez été le premier groupe à jouer à Bercy en 1984. C'est une longue histoire avec la salle...
On a été le premier groupe à y jouer après les attentats du 13 novembre aussi ! Le tout premier concert à Bercy, c'était incroyable. Je me souviens que la salle était blindée, que les fans étaient surexcités et qu'ils ont poussé la scène... Tout le monde voulait être devant donc les gens poussaient, les barrières sont tombées et au bout d'un moment les lumières ne nous éclairaient plus nous mais le public (rires).

Vous pensez ou redoutez la fin de votre carrière ?
Non... On y a déjà pensé au moment où on a annoncé notre tournée d'adieu en 2010. Vous vous dites "Qu'est-ce que je vais faire après ça ?". Maintenant, c'est plus amusant que jamais ! On a tellement occupés toute notre vie que je pense que pendant un moment, c'est assez sympa de ne rien faire. Nous sommes tellement occupés. C'est peut-être quelque chose à laquelle on va réfléchir. Ça n'arrivera pas cette année ou celle d'après mais après ça... Nous avons appris des leçons du moment où nous avons annoncé notre tournée d'adieu en 2010 et nous ne dirons jamais que c'est notre dernier concert ou notre dernier album. On ne sait jamais...
Toute l'actualité de Scorpions sur leur site internet officiel et leur page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez la discographie de Scorpions sur Pure Charts.

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