Accueil > Actualité > Histoire d'un tube > Actualité de Les Rita Mitsouko > Histoire d'un tube : "Marcia Baila" des Rita Mitsouko (1984)
dimanche 01 décembre 2019 15:42

Histoire d'un tube : "Marcia Baila" des Rita Mitsouko (1984)

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Alors que Catherine Ringer célèbre les 40 ans de sa création sur scène, Pure Charts a décidé de revenir sur le tube qui a révélé les Rita Mitsouko : "Marcia Baila". Une chanson culte qui, derrière son côté dansant, cache un texte bien plus sombre.
Crédits photo : Pochette du single
« Marcia, elle danse sur du satin de la rayonne »... Cela fait 35 ans que chaque soirée semble marquée par "Marcia Baila", le tube qui a révélé les Rita Mitsouko en 1984. Mais avant de devenir l'important groupe français que l'on connait, Catherine Ringer et Fred Chichin auront connu cinq années d'un démarrage plutôt confidentiel. Les deux se rencontrent en 1979 sur le plateau de la comédie musicale "Flashes rouges". Lui vient de sortir de prison, elle est l'une des chanteuses principales du projet. Peu satisfaits, les deux sympathisent et finissent par quitter l'aventure au bout d'une semaine pour former un groupe de rock. Un an plus tard, ils mettent notamment en musique "Aux limites de la mer", une pièce dont la danseuse principale est une certaine... Marcia Moretto.

Un hommage à une danseuse argentine


Ainsi, Catherine Ringer va se lier d'amitié avec la danseuse, devenant son élève au centre de danse du Marais, tandis que Marcia Moretto accompagne les Rita Mitsouko sur scène lors de ses premières tournées : « C'était une danseuse contemporaine, elle aimait mélanger un tas de choses. A la fois les choses d'Argentine, un peu des Incas, la danse modern jazz, le classique... Elle était impressionnante aussi physiquement, elle était très grande, très mince » raconte aujourd'hui la chanteuse pour Brut. Malheureusement, Marcia Moretto s'éteint en 1983 d'un cancer du sein, à l'âge de 36 ans. Evidemment touchée par cette disparition, Catherine Ringer va tenir à lui rendre hommage en signant une chanson qui lui est dédiée : "Marcia Baila". L'histoire naît lors de la Biennale de danse de Lyon en 1983. Tandis que les Rita composent le musique du spectacle de danse "Pôle à pôle", Catherine Ringer entend un enfant répéter inlassablement "ta-lon, ta-lon, ta-lon...". Ce simple mot donnera le célèbre riff qui fera la renommée du titre. Rentrés à Paris Ringer et Chichin compensent leur premier album. C'est alors que, sur la mélodie de "Pôle à pôle", la chanteuse se lance dans une improvisation, lançant de la « rayonne » et « polystyrène expansé » parmi les premières paroles : la chanson est née.

Très rapidement, les Rita Mitsouko font donc de "Marcia Baila", une chanson sautillante malgré des paroles sombres évoquant la mort de leur amie danseuse : « Tu aimes tellement la vie / Quel est donc ce froid que l'on sent en toi ? / Mais c'est la mort qui t'a assassinée, Marcia / C'est la mort qui t'a consumée, Marcia / C'est le cancer que tu as pris sous ton bras / Maintenant, tu es en cendres, cendres (...) C'est la mort qui t'a emmenée ». « Marcia est morte pendant qu'on était en train de composer et de faire une série de chansons. Je me suis dit "Eh bien, tiens, j'ai envie de faire des paroles pour elle" » poursuit aujourd'hui l'artiste. Un décalage qui va devenir une marque de fabrique du groupe : sur le "Petit train", Catherine Ringer évoque, derrière la mélodie enjouée, le sort des Juifs déportés vers les camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale.

Regardez le clip de "Marcia Baila" par Les Rita Mitsouko :


"Marcia Baila" est donc publié sur le premier album éponyme des Rita Mitsouko sorti en avril 1984, mais certaines radios nationales ne croient pas au titre et lui préfèrent le premier single "Restez avec moi", qui passera néanmoins inaperçu. A l’époque en pleine expansion, les radios libres donneront raison à "Marcia Baila", qui sera commercialisé à la fin de l'été. Le succès est immédiatement au rendez-vous : classé à la deuxième place du Top 50, le titre s'écoulera finalement à plus d'un million d'exemplaires en France. Une version anglaise a même été envisagé avant d'être finalement abandonnée.

Un clip financé par la RATP


Mais c'est surtout avec le clip, réalisé par Philippe Gautier, que le titre obtient rapidement son statut de chanson culte. Avec ses costumes signés Thierry Mugler et Jean-Paul Gautier, ses représentations picturales et son esprit coloré, la vidéo imprègne immédiatement la rétine des spectateurs. Pourtant, ces derniers n'ont failli ne jamais voir la vidéo. En effet, Virgin n'alloue que 80.000 Francs de budget pour le clip alors qu'il en faudrait cinq fois plus pour voir les idées de Philippe Gautier prendre vie. Le producteur Fabien Caux-Lahalle (qui a travaillé avec Téléphone) est appelé à la rescousse. Tout comme la Direction de la danse au ministère de la Culture, le Centre national des arts plastiques et la RATP qui acceptent de financer le clip, à condition qu'une affiche pour ces derniers soit visible dans le clip. Mais les problèmes ne font que commencer : un différend oppose ainsi les maisons de disques et les chaînes de télévisions, les premières ne voulant plus céder gratuitement les vidéos à ces deuxièmes. Là aussi, le sauveur se nomme "Les enfants du rock" qui diffuse le clip en juin 1985. Comparé à du « Cocteau » par Jean-Luc Godard himself, le clip fait désormais partie des collections du MoMA, à New York.

Regardez Catherine Ringer chanter "Marcia Baila" en live :


La vidéo va achever de transformer les Rita Mitsouko en un des groupes les plus importants de sa génération, grâce à ses clips à l'imagerie décalée. "Marcia Baila" sera même désignée deuxième meilleure chanson de la décennie 80 aux Victoires de la Musique, derrière le "Belle-Île en Mer" de Laurent Voulzy. Les années suivantes, Catherine Ringer et Fred Chichin continuent de squatter les charts avec les tubes "Andy", "Le Petit Train", "C'est comme ça", "Les histoires d'a" ou encore "Singing in the Shower" avec les Sparks. Dans les années 90, le duo sera commercialement plus discret. Le groupe prendra fin tragiquement en 2007 avec le décès de Fred Chichin. Depuis, Catherine Ringer continue sa carrière en solo mais ne cesse de saluer la mémoire de son compagnon d'antan. Depuis quelques mois, elle célèbre en grande pompe les 40 ans des Rita via une tournée-anniversaire. Elle sera les 28 et 29 avril prochain à l'Olympia.

Charts in France

Copyright © 2002-2024 Webedia - Tous droits réservés

  • A propos de Pure Charts
  • Publicité
  • Politique de cookies Politique de cookies
  • Politique de protection des données
  • Nous contacter