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mardi 12 juillet 2011 17:32

Annabelle Mouloudji : "La p'tite coquelicot" ?

Par Mathieu Rosaz | Rédacteur
Annabelle Mouloudji, née en 1967 et qui eut son heure de gloire à 20 ans avec son hit "Fuis Lawrence d'Arabie", suivi d'un succès d'estime "Casanova solo", vient de publier un récit autobiographique, "La p'tite coquelicot" chez Calmann-Lévy : re-découvrez à cette occasion sa carrière discographique, ainsi que celle de son père, Marcel Mouloudji.


Dans "La p'tite coquelicot", Annabelle Mouloudji raconte avec une sincérité poignante sa vie de femme, de mère et de fille du chanteur Marcel Mouloudji (1922-1994) dont les absences et les non-dits firent plus qu'une ombre au tableau d'une jeune fille qui comme on dit, avait tout pour être heureuse. Belle, talentueuse, cultivée, intelligente et aimée de son compagnon nommé David pour qui ce livre est aussi en partie une belle déclaration d'amour.

Visionnez Annabelle live, "Casanova solo" (1988) :


Annabelle Mouloudji ne fait à aucun moment part d'une quelconque animosité envers son père mais ce n'est pas pour autant qu'elle épargne la dernière compagne de celui-ci, surnommée Cruella, sorte de Folcoche dans "Vipère au poing" d'Hervé Bazin. Une femme qui la mit à l'écart, jalouse, mesquine, ultra-possessive et en face de qui le chanteur n'osait apparemment pas broncher. C'est un livre sur les actes et les rendez-vous manqués d'une vie ponctuée de drames comme celui de la perte de son premier enfant mort-né dont le deuil est impossible. « Les gens attendent de moi du talent, peut-être un peu du sien. Mais au fond de mon être, perchée sur la rive gauche de sa carrière, une petite fille sans nom porte le rien, le vide ». Annabelle ne s'épargne pas. Aucune auto-complaisance ni le moindre apitoiement sur son sort mais le constat d'une douleur, d'une angoisse qui fait comme une boule dans la gorge et qui explose parfois, laissant couler ses larmes au volant de sa voiture ou face à une scène banale de la vie quotidienne qui pour elle ne l'est pas puisqu'elle met sans prévenir un peu plus de sel sur une plaie à vif, celle de se sentir surnuméraire, encombrante…

Visionnez Marcel Mouloudji dans "Comme un p'tit coquelicot" (1951) :
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On peut parler de dépression puisqu'il est sans cesse question de mésestime et de dévalorisation de soi. Si cet état n'est jamais clairement énoncé, il est si évident que le nommer serait inutile. « Nul ne guérit de son enfance » chantait un autre poète-musicien: Jean Ferrat. Et si Annabelle ne sombre nullement dans un optimisme béat, elle réussit au fil des pages à faire la part des choses, à laisser filtrer un peu d'humour, à croire et surtout à donner la vie à ses deux fils. Pas de suite chronologique dans ce récit. Toutes les époques se mélangent. Ses années de danse, de mannequinat, les premières maquettes de chansons qu'elle fait écouter à un père réticent puis un peu plus convaincu au fil du temps. On aurait aimé savoir comment il avait vécu le succès de "Fuis Lawrence d'Arabie" (Top 12) mais Annabelle, étrangement, n'en parle pas. Et pourtant elle pouvait être fière de ce succès et de cette chanson qui, bien que datée, traverse joliment les années et fait partie des chansons les plus réussies et les mieux écrites des années 80!

Visionnez le clip d'Annabelle, "Fuis Lawrence d'Arabie" (1987) :


Tous les moyens sont bons pour exister et être aimée de ce père insaisissable: les petits cadeaux qu'elle lui fait avec ses économies par exemple, et même après la mort du chanteur, les différentes démarches juridiques pour mettre au clair une situation complexe (Annabelle est le fruit d'une relation adultérine) où l'ironie du sort fait qu'elle est au regard de la loi la fille adoptive de son géniteur dont elle est par ailleurs, avec son frère, garante du droit moral et de tout ce qui concerne l’œuvre de celui qu'il est si compliqué de nommer père! « Je suis une enfant adultérine, née hors mariage, assimilable à une bâtarde. A ma naissance en 1967, mon père ne m'a pas reconnue car il était marié à Lola, la seule femme qu'il ait épousé » écrit-elle. Et cela ne peut pas, pour ceux qui la connaissent, ne pas faire penser à l'écrivain Violette Leduc (1907-1972), fille illégitime de Berthe Leduc et d’André Debaralle, un “fils de famille” de la haute bourgeoisie de Valenciennes. Il refuse de reconnaître l'enfant. Dès son enfance, elle est marquée par la honte de sa naissance. Elle sera l' auteur reconnue sur le tard de "La bâtarde, "L'asphyxie", "L'affamée", "Ravages" ou encore "La folie en tête".

Annabelle Mouloudji nous livre ici un récit qui fait partie de ceux dont on sent que l'auteur n'aurait pas pu ne pas l'écrire tant le poids du manque d'amour et de la culpabilité se fait lourd. Espérons que ce livre l'aide à se réconcilier avec son passé et à trouver la paix et le bien-être qu'elle mérite avec l'espoir de peut-être avoir le bonheur de l'entendre chanter à nouveau. Ces blessures et ces déchirures qu'elle nous confie à travers "La p'tite coquelicot" sont d'une profondeur qui ne peut laisser le lecteur insensible ou indifférent et qui nous aide à comprendre qu'il est impossible de faire abstraction de ses origines et de son arbre généalogique même si la première personne à connaître et à aimer pour aller vers l'autre n'est autre que nous-mêmes. Mais nous ne sommes jamais le fruit du hasard...

Visionnez Marcel Mouloudji live, "Que le temps passe vite" (1975) :
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Qui était Marcel Mouloudji ?


Marcel Mouloudji naît à Paris le 16 septembre 1922. Son père, Kabyle, est originaire de Sidi Aïch en Algérie. Il épouse une Bretonne catholique très pratiquante, mais qui assez vite sombre dans l'alcoolisme et la folie. Elle sera internée. Adolescent, il fait la connaissance de Sylvain Atkine, metteur en scène dans le Groupe Octobre. C'est là qu'à 13 ans il rencontre déjà de grands noms de la scène dont Jean-Louis Barrault ou Roger Blin. Parallèlement au théâtre, Mouloudji démarre au cinéma. Via Jacques Prévert, il rencontre Marcel Carné qui lui donne un petit rôle chantant dans "Jenny" en 1936. Il enchaîne alors film sur film. Un des plus célèbres est "les Disparus de Saint-Agil" de Christian-Jaque. Pendant la guerre, en 1943, Mouloudi fait la connaissance de Louise Fouquet, dite Lola, qu'il épouse. Elle sera sa femme et son agent artistique jusqu'en 1969. Artiste polyvalent, il compte déjà maintes cordes à son arc. Vers 1947, il se met à la peinture. Mais surtout, il commence à s'intéresser plus sérieusement au chant. En 1951, Mouloudji enregistre un tout premier disque avec quelques titres importants tels "Rue de Lappe", "Si tu 'imagines" et "Barbara". C'est également à cette époque qu'il monte pour la première fois sur la scène d'un grand music-hall, Bobino. Comme pour de nombreux débutants de l'époque, c'est Jacques Canetti, fameux agent artistique et patron du cabaret les Trois Baudets qui entraîne Mouloudji vers le succès. Il lui fait enregistrer "Comme un p'tit coquelicot" qui obtient un énorme succès. Même succès pour "Un jour tu verras" en 1954.

Toujours engagé et militant pacifiste, Mouloudji rencontre quelques soucis de censure lors de la Guerre d'Indochine. L'objet de discussion est la chanson "le Déserteur", manifeste anti-militariste écrit et créé par Boris Vian. En 1955, Mouloudji tient le haut de l'affiche à l'Alhambra. Plutôt interprète, il commence à écrire de plus en plus ses propres textes à la fin des années 50. Cette fois la chanson prend la première place dans sa vie. En 1958, il fait sa dernière apparition au cinéma dans "Rafles sur la ville" de Pierre Chenal et dans un film hispano-suédois, "Llegaron dos hombres".

En 1960, naît son fils Gregory. Après avoir signé chez Vogue en 1961, Mouloudji crée finalement sa propre marque de disques sous forme d'une coopérative. C'est ainsi qu'il lance en 1965 un jeune Néo-zélandais installé en France, Graeme Allwright. Peu enclin à se fondre dans l'industrie du disque, Mouloudji n'a pas le succès qu'il a connu dans les années 50 avec le cinéma. En 1966, il monte même un salon de coiffure.

En 1967, naît sa fille Annabelle. A sa façon, Mouloudji lutte contre l'industrie du disque qui ne lui laisse guère de place. Après avoir maintes fois été victime de la censure, il écrit sans se soucier de l'effet produit. Il sait que de toutes façons, il sera peu ou pas diffusé en radio. Cependant, un public très fidèle est toujours à l'affût de ses prestations scéniques. C'est ainsi qu'en 1974 lorsqu'il monte sur la scène du Théâtre de la Renaissance, c'est avec joie qu'il constate avec quel enthousiasme il est accueilli. Idem en septembre 75 pour son retour à l'Olympia. En 1980, il sort un album "Inconnus Inconnues" et donne d'innombrables concerts à travers le pays mais dont les médias se font rarement l'écho. Fatigué, il consacre plus de temps à l'écriture et à la peinture, ses anciennes amours. On le retrouve sur scène en 1987 à l'Elysée Montmartre. A 70 ans, en 92, une pleurésie lui enlève en partie sa voix.
En mars 94, il est invité au festival Chorus des Hauts-de-Seine en région parisienne pour un hommage. Puis il donne un ultime récital près de Nancy en avril.

Il s'éteint le 14 juin 1994. Mouloudji n'a jamais bénéficié d'une notoriété à la hauteur de son talent, de ses talents. Cet artiste libre et libertaire a pourtant exploré maintes facettes des Arts, le théâtre, la peinture, l'écriture et bien sûr, la chanson. Homme de conviction, Mouloudji reste à jamais un homme dont l'œuvre mêle sensibilité et générosité.

Visionnez Marcel Mouloudji live, "Un jour tu verras" (1954) :
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Pour en savoir plus, visitez son Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez l'album d'Annabelle Mouloudji, "La vie à découvrir de Victor et Amandine".
Visionnez Annabelle disant "Le déserteur" de Boris Vian avec Lambert Wilson et André Dussollier pour le Printemps des Poètes (2001) :

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